samedi 26 janvier 2008

Manifeste du Haïkuteur





Mon année sur l es ailes du récit
(Manifeste littéraire)



Séance de lecture du manifeste au club de la nuvelle (photo Souheir Lahyani club Lapresse jeunes )


J'ai, en ces jours, le souvenir d'un évènement d'une importance, pour moi, capitale. il remonte à la dernière année bissextile. En voici le manifeste de commémoration.
Serait-ce rigolo d'appeler ce petit texte "manifeste", alors que je ne prétends, à travers lui, ni souligner un quelconque apport de ma part, sur les plans technique, méthodologique ou critique, ni appeler qui que ce soit à me suivre ?
Quel sens aurait-il, cependant, s'il n'était pas ce manifeste que je lancerais publiquement et qui m'impliquerait en tant qu'auteur, en prenant à témoin ses lecteurs ?
"Tu es témoins de leurs actes", avait écrit mon poète Mnawar Smadeh. Toujours engagé dans sa voie et comme j'ai essayé de le faire dans mes précédentes traces, je ne manquerais pas, dans ce que j'envisage d'écrire, d'apporter, en toute conscience, un tel témoignage… autant qu'il me sera possible.
Mais Mnawar, que les mots l'aient dans leur miséricorde, avait ajouté : "et des tiens témoigneront les mots". Que ce manifeste se porte donc témoin de ma promesse d'entrer dans ma nouvelle année bissextile en pèlerin à la Kaaba du récit. Exactement comme j'ai passé l'année bissextile dernière à méditer dans le temple du Haïku.
Tout au long de mon année, comprise entre le 9 février 2004 et le 8 février 2005, j'ai vécu au rythme de "mon année Haïkus", écrivant et publiant, en deux langues, un Haïku par jour. Et je m'engage, si la mort ne m'en empêche pas, à vouer ma composition écrite, tout au long de mon année comprise entre le 8 février 2008 et le 7 février 2009, au récit, d'en écrire un texte par semaine en langue arabe que je traduirai immédiatement en langue française, avant de le publier, à un rendez-vous hebdomadaire fixe, dans les deux langues sur mon site "Leptypont", ainsi que, simultanément, sur deux blogs indépendants.
Fidèle à la promesse de cette expérience singulière dans mon modeste parcours, je déclare signer officiellement tous mes textes littéraires à paraître, à partir de ce jour, du nom de Hakawaty en arabe et Haïkuteur en français. Avec le présent texte, je porte en même temps à la connaissance du public l'ouverture de deux blogs en prolongement de mon "Ptypont" pour accueillir cette nouvelle expérience. Le premier en langue arabe: "Warchat alHakawaty" et le second en français: "L'Atelier du Haikuteur".
Ces deux blogs jumeaux, de création toute récente, n'ont pas moins une histoire datant de bien avant l'avènement des blogs. Ce sont, en effet deux êtres calqués sur "ma fenêtre ouverte", bien qu'ils en soient indépendants. Cette fenêtre étant l'espace que j'ai consacré sur mon "Ptypont" à la publication de mes créations au jour le jour et autour duquel j'ai réuni des amis à moi sur le net, partageant mon souci d'inter culturalité et de dialogue d'œuvres multiformes.
Ce fut à la toute première lueur de l'aube de cette première décade du XXIème siècle. A l'époque (!), la maitrise de l'outil Internet était encore assez peu commune et la création de pages Web encore plus compliquée et moins accessible. Quant à la publication de textes en caractères arabes, elle générait sur le Net des chinoiseries dont souffrent encore certains de nos textes, et dont l'affranchissement nous semblait de l'ordre de l'impossible.
Ce furent des jours ! Ils se sont envolés à une vitesse vertigineuse qui en donne, aujourd'hui, tout l'air d'appartenir à la préhistoire. L'édition numérique en général, et celle en langue arabe en particulier, compte aujourd'hui sur une multitude d'espaces de service gratuit dont le développement force le respect sur les deux plans esthétique et technique. La popularité du phénomène des blogs a constitué une nouvelle révolution consacrant une édition numérique sur la toile que n'entravent ni freins ni frais ni grande peine.
Comparée à ces fenêtres interactives, "Ma fenêtre ouverte" s'en trouve, du coup, loin de faire le poids. Tout aussi loin, l'ensemble de mon Ptypont qui s'apparente, effectivement au travail artisanal, et dont l'entretien demeure plus comparable au travail harassant qu'au jeu d'enfant que représente aujourd'hui l'entretien des blogs les plus beaux et les mieux développés techniquement.
Dans l'interactivité réside, en fait, la différence entre les outils d'hier et les moyens d'aujourd'hui. Et d'elle émane l'essence du défi. Car le véritable pari du virtuel n'est autre que celui de la présence et de la vitesse de réaction. Et, les blogs en donnant les moyens, que demanderait l'écrivain de plus pour son texte ? Et qu'est ce qui me retiendrait encore d'adhérer, suivant les critères de mon "Ptypont", à cette nouvelle démarche ?
C'est sur cette base que j'inscris "mon année sur les ailes du récit" au sein de ce nouvel espace virtuel interactif. L'usage, parallèlement à mon "Ptypont", des groupes de correspondance littéraire en français, l'Atelier "Ecrire en liberté" en l'occurrence, pour lancer le défi de "mon année Haïkus", n'ayant été qu'une adhésion à la forme d'interactivité alors offerte et dans la langue qui m'y était accessible.
Mais, croyant que l'espace virtuel n'est qu'un moyen de communiquer avec des êtres réellement vivants et par le biais d'un contenu littéraire réel, je tiens, cette fois-ci, à ouvrir ma fenêtre sur un espace concret de la scène culturelle tunisienne, qui ne cesse de servir, de la plus belle des manières, l'art du récit et dont la non fréquentation constitue, dans mon modeste parcours d'écrivant, une brèche que j'ai grandement besoin de combler. J'ai nommé, ici, le club de la nouvelle "Abul Qassim Chebbi" de Tunis, dont les animateurs ont bien voulu me permettre, à chaque fois que leur programme ordinaire le permet, de lire devant ses membres, sitôt cueillis, les fruits de cette expérience, et de recueillir leurs impressions, avant de mettre mes textes en forme en vue le leur publication. Qu'ils en soient, ici, remerciés.

Les présents à la séance de lecture du manifeste du Haïkuteur : Assis de droite à gauche Houyem Ferchichi, Ali Belarbi, Ahmed Mammou, président du club, le Haïkuteur, Souf Abid, Mosbah Bouhbil et debout, notamment Nacer Toumi et Souhir Lahyeni, journalise à Lapresse Jeunes -photo Leyla Daami


C'est donc à la lumière des traditions d'activité de cet espace culturel civil que j'ai fixé mon programme d'action et le calendrier de mise à jour de mes espaces virtuels. Chaque texte sera écrit et traduit entre dimanche et vendredi, pour être lu au club samedi. Il sera ensuite révisé entre dimanche et jeudi. Pour être édité sur Internet le vendredi qui suit.
C'est sur ce rythme que je me propose de traverser ma semaine entre deux textes : un premier que j'écris et un second que je révise et prépare à la publication. J'espère, ainsi, affiner mon texte à travers des retours plus importants, offerts par le club en tant qu'atelier d'écriture ouvert, chaque semaine, à la présence concrète, et par les deux blogs qui sont des points d'interactivité à distance, ouverts en toute heure et de partout dans le monde.
Celui qui ouvre sa fenêtre se devant d'accepter tout apport du vent, le jeu de l'interactivité ayant une déontologie à respecter, la lecture de mes textes en club constitue, comme leur publication sur l'Atelier interactif du Haïkuteur, une déclaration solennelle d'acceptation d'ouvrir mes oreilles et les pages de mon atelier aux commentaires et critiques de tous, que leur contenu s'apparente à la lecture objective, au compliment d'encouragement ou même au blâme gratuit. Je m'engage donc à respecter le droit des membres du club à avoir des opinions différentes des miennes et garantis aux visiteurs de mon atelier de ne supprimer aucun commentaire envoyé, tant que son auteur ne vise autre cible que ma personne et/ou mon texte et s'interdit de toucher au droit d'autrui et de me mettre, ainsi, en infraction à l'égard de la loi.
Mais ne serait-ce pas rigolo que j'écrive tout un manifeste pour annoncer juste mon intention de travailler à l'écriture de récits, comme s'il n'y avait au monde que moi pour avoir un tel projet, ou comme s'il est donné à qui veut faire quoi que ce soit, aussi simple et futile soit-il, de commencer par la rédaction d'un manifeste ?
N'est-il pas nécessaire, à qui veut faire, de commencer d'abord par l'action et de ne parler qu'une fois le travail accompli ?
En ce temps où les idées novatrices se font attraper au vol et annoncer sous les signatures de leurs voleurs, bien avant d'arriver aux lèvres de leurs initiateurs, n'est-il pas plus prudent d'opter pour la discrétion ?
La publication d'un tel manifeste ne relèverait-elle pas du narcissisme criard ? N'est-ce pas prétendre suffisamment de courage et d'aptitude à réaliser ce dont les aléas peuvent empêcher l'accomplissement ; ce qui dénote d'une certaine dose d'illusion d'importance et de folie de grandeur ?
Voici des questions qui m'ont bien tracassé avant l'écriture de ce texte. Mais pourquoi les manifestes ne peuvent-ils être que synonymes d'importance, voire d'excellence ?
Pourquoi n'est-il pas donné aux auteurs qui, comme moi, sans prétention, jouent de leurs débris et les admirent sans orgueil, de lancer un manifeste sous forme d'appel au secours, pour informer d'une douleur, ou sous forme d'acte de séduction et de coquetterie, en vue d'une rencontre promettant un innocent plaisir ?
Et puis qui dit que ce qui apparait chez untel comme une volonté de faire l'important n'est pas, en fait, l'expression d'un besoin urgent de sortir d'une marge et d'un effort acharné pour échapper aux dédales de l'exclusion ?
Qui dit que ce geste que fait untel autre pour montrer du courage, n'est rien, en réalité, qu'une fuite et une demande d'asile ?
Et qui prouve qu'en publiant ce manifeste je ne suis pas dans la position de celui-ci ou à la place de celui là ?
J'ai appris du défi de "mon année Haïkus" que, parmi tous les combats que me présente la vie, je n'ai qu'un seul où je suis certain de sortir victorieux : celui-là que j'aurais, par moi-même, initié et où mon adversaire n'est autre que moi-même ! Et si on prête à Napoléon premier d'avoir dit que "le meilleur moyen de tenir une promesse est de ne pas la faire", la vie m'a plutôt appris que je n'ai pas de plus coriace adversaire que moi et que l'annonce d'une promesse est mon seul moyen de la tenir en vue de me vaincre. C'est la raison pour laquelle, à chaque fois que je suis dans une impasse ou que, de l'extérieur de moi-même, me tente un duel dont je connais la futilité, je me provoque, me lance le défi et prends les autres à témoin, afin de ne me laisser aucune chance de me dérober à la responsabilité de tout échec ou manquement à ma promesse.
Le simple fait que les autres soient au courant de ces provocations au moment où elles ont lieu, ne constitue-t-il pas pour moi un stimulant et un soutien ? Mon manifeste n'est-il point, alors, une façon de fuir devant ce qui en moi me pousserait à ne jamais tenir parole et de me réfugier chez ses destinataires afin qu'ils soient mes alliés contre moi-même ?
Je ne dévoilerai point, même si j'ai bâti ma fenêtre ouverte sur la base de la transparence de l'acte de création, le secret de ce qui me pousse, en de pareilles conditions à défoncer, soudainement, la porte de l'inconnu pour atteindre un objectif dont seule la réalisation me permet de m'en sortir. Mais je ne nie point le soutien du hasard qui a généré des conditions presque identiques en deux années bissextiles successives.
Alors que j'étais, début décembre 2007, tout concentré sur une affaire ne dépendant pas totalement de moi et qu'il n'est pas question d'exposer ici, Je ne sais comment des circonstances m'ont poussé à adhérer simultanément aux activités d'un site d'expression littéraire en langue arabe, Doroob en l'occurrence, ni comment je me suis retrouvé en train d'écrire du récit là où je me suis bien installé dans le poème, ni comment a sonné l'heure de me remettre à écrire régulièrement sous la contrainte du temps, ni même comment je me suis présenté au club de la nouvelle pour assister à un hommage rendu à un ami, pour sentir un besoin urgent d'en faire un partenaire de mon projet et de participer assidument à ses activités pendant au moins une année.
Tout ce que je sais est que quelque chose s'est brusquement passée, me poussant à me lancer de nouveau le défi ; et que j'ai trouvé au combat que je me propose de mener, le même goût que celui de "mon année Haïkus", avec une seule différence : le genre littéraire.
En pareille période de l'année 2003, et alors que, dans un moment de fuite comparable à celui-ci, je surfais dans un atelier d'écriture littéraire en langue française (Ecrire en liberté), une réaction semblable à celle-ci m'a échappée en même temps qu'une promesse semblable à celle-ci. Et l'expérience d'enfanter "Mes quatre saisons". Mais Voici que le hasard me pousse à nouveau, presque malgré moi, à tenter une nouvelle expérience en vue de créer un nouvel évènement. Voici qu'il m'impose de vivre au rythme d'une histoire qui semble se reproduire exactement de la même manière et au même rendez-vous. Et voici que "mon année sur les ailes du récit" démarre, presque jour pour jour, à une date pareille à celle qui a vu le démarrage de "mon année Haïkus", il y a maintenant quatre ans.
Mais voilà que rejaillit la question : et qu'est ce qui, dans tout ceci, pousse à l'écriture bilingue ? M'y astreindre n'équivaudrait-il pas à rendre plus difficile la réalisation de ma mission en m'imposant la rédaction de deux textes plutôt qu'un et a faire étalage d'aptitudes et de connaissances dépassant la seule régularité de l'écriture dans un genre littéraire ?
Entre faire étalage de ses connaissances et tenter d'en acquérir ou d'en consolider le peu déjà acquis, il y a, en vérité, une différence dont je mesure exactement l'étendue. Voilà pourquoi je mesurerai mon succès à relever le défi moins par le simple fait de publier à temps les textes promis que par les nouvelles aptitudes, la nouvelle expérience et le nouveau savoir que j'aurais acquis, tout au long de l'année.
Quand j'ai lancé le défi de "mon année Haïkus", je suis entré à cette forme d'expression étrangère aux pratiques littéraires arabes en général, en explorateur, en élève et en apprenti. Aujourd'hui aussi, j'entre à l'aire du récit sans avoir assez écrit dans ce genre pour en maitriser, comme je l'entends, la pratique. J'y entre donc, sans aucune honte de mon âge, avec l'esprit de l'autodidacte qui en continue l'exploration des secrets par le biais de l'étude, de la lecture et de l'exercice, et qui tiens à montrer ce qu'il écrit à ceux qui y font figure de maitres.
Quant à la question de la traduction immédiate de mes textes en langue française, j'ai pu mesurer, tout au long de "Mon année Haïkus", à quel point, seul un auteur bilingue savait apprécier l'effet de l'auto-traduction sur l'affinement de son texte original, en même temps que la consolidation de sa connaissance de la langue hôte. Et je ne suis pas prêt de faire des concessions sur mon droit debénéficier, à nouveau, des leçons de ce genre, ni sur mon souci de l'inter culturalité dont la traduction constitue l'un des plus importants supports.
Mon "Ptypont" ne s'est-il pas inscrit, depuis sa création, dans une dynamique de dialogue interculturel ? N'a-t-il pas essayé, même sans y parvenir jusqu'ici, de lancer un cercle de traduction réciproque ? Comment aurais-je pu prétendre à la réalisation de ces objectifs sans en faire un espace bilingue ?
Cependant, conscient du fait que je risquais de laisser une large partie du terrain de l'inter culturalité au profit de la pure francophonie, je me suis rattrapé, le jour même du démarrage de "mon année Haïkus", rétablissant ma langue arabe dans son droit de faire partie du défi. Mieux, j'en ai fait le centre en déclarant que l'objectif de mon expérience était d'accueillir le Haïku, cette expression culturelle japonaise, dans ma culture et ma langue arabe, par l'intermédiaire de la langue française.
Mais s'il n'y a rien d'étrange à ce que je conçoive tous les projets que j'initie dans les deux langues du "Ptypont" (arabe et française), ce nouveau défi n'est pas moins redevable, en partie, au fait que les conditions qui l'ont engendré aient coïncidé avec le la proclamation de l'année 2008 en Tunisie, année nationale de la traduction.
La scène culturelle tunisienne a encore le souvenir de la proclamation de l'année 2003, année nationale du livre. Certains de mes compatriotes se souviendraient encore de ma participation personnelle spontanée et bénévole, consistant en l'organisation d'une semaine culturelle sur le thème "de l'ère du livre à l'ère du message multiforme : la création culturelle et la modernité : nouveaux outils, nouveaux défis".
N'attendant l'invitation de personne pour adhérer à un projet auquel je crois pouvoir apporter une modeste contribution, je ne me permets point, cette fois non plus et dans les limites de ce que me permettent mes modestes moyens personnels, de rester en dehors du contexte de l'année nationale de la traduction. Et, sur la question de la traduction en Tunisie, mon approche repose sur ma profonde conviction, qu'en vue de renforcer sa présence dans l'espace communicationnel globalisé, notre pays a plus besoin, aujourd'hui, de faire connaitre auprès de l'autre culturel, les œuvres, anciennes ou de création récente, de ses penseurs et autres écrivains et artistes, que d'importer dans la langue arabe la pensée et la littérature des autres nations auxquelles nous pouvons accéder par le biais d'autres langues.
C'est en partant de cette conviction que je me propose de participer, à ma manière et mon très modeste niveau, à l'année nationale de la traduction. Et ce, en portant mes textes à la langue française, ou plutôt en les écrivant dans les deux langues, de manière à les mettre à la disposition de l'autre qui lit en français. Je pense que si nos écrivains approchaient la question du même angle, ils doteraient la Tunisie d'un fond de textes traduits, assez consistant pour garantir à notre culture un rayonnement plus grand.
Il ne me reste plus qu'à insister sur le fait que le principal destinataire de ce manifeste n'est autre que moi. Mais je ne nie pas poursuivre, à travers ce texte, deux objectifs :
Le premier est informatif. Qui veut que ses textes soient lus doit informer de leur existence et indiquer la voie permettant d'y accéder. Tel est le devoir le plus urgent de l'écrivain vis-à-vis des destinataires de son message.
Quant à mon second objectif, il s'inscrit dans la droite ligne de la manifestation que j'ai organisée, en 2003, à l'occasion de l'année nationale du livre. Cette nouvelle expérience dont informe ce manifeste, et à laquelle j'ai tenu à faire participer le club de la nouvelle "Abul Qassim Chebbbi", afin de l'ouvrir simultanément sur les deux espaces réel et virtuel, ambitionne de proposer un modèle, ô combien j'espère que certains actants de notre scène culturelle nationale, y prêtent un peu plus d'attention qu'aux luttes intestinales et aux manœuvres de coulisses visant à écarter celui-ci ou à marginaliser l'expérience de celui- là .

Le Haïkuteur
La version arabe de ce manifeste a été lue au club de la nouvelle "Abul Qassim Chebbi à la réunion du samedi 26 janvier 2008

lundi 21 janvier 2008

Caprice d'un matin

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A Selma Dibej* en cet anniversaire de son départ. Tu n'es pas morte, mais c'est ainsi qu'il m'a semblé.





Bénie soit ta journée, chérie. Je ne sens pas, dans notre lit, la chaleur de ton corps me massant le dos ! L'aube se serait-elle déjà levée ?
Et puis comment as-tu réussi à t'en retirer sans que je ne m'aperçoive, comme chaque matin, de ton réveil de si bonne heure?
Mais je n'entends point, chérie, le bruit léger de tes pas sur le parterre. Serais-tu déjà sortie au jardin ?
As-tu, comme tous les matins, cueilli tes roses ? En as-tu déjà composé ton bouquet quotidien pour le vase de la table du petit déjeuner?
Comme chaque mercredi, c'est, le tour du rosier jaune, aujourd'hui. T'es-tu souvenue de mon souhait d'ajouter une fleur bleue à ton vase?
N'attends plus de moi de renouveler ma prière chaque semaine, mon amour.
Que se passe-t-il dans la cuisine ? Je ne sens pas l'odeur du café turc à l'eau de fleurs d'orangers.
N'y aurait-il déjà plus de café en poudre ? Ou bien serais-tu, ce matin, en train de me préparer l'une de tes surprises ?
Laisse-moi deviner : Une "assida" à l'huile nouvelle et au miel ?
Ô combien, baume de ma vie, tu as exaucé tous mes caprices ! Ne m'en veux pas si, aujourd'hui, je vais chambarder tes plans matinaux. Et satisfais, sans discussion cette fois-ci, ce caprice qui, à l'instant même, me vient à l'esprit.
Ne me réveille pas, mon amour ! N'ouvre surtout pas la porte de notre chambre à coucher. Vas plutôt réveiller les enfants. Dis-leur que, ce matin, papa veux paresser au lit et n'ira pas au travail. Réunis-les et prenez sans moi le petit déjeuner.
Allez, vas-y ! Sans discussion je t'ai dit !



***



Avez-vous tous bien mangé, chérie ?
Et l'assida, était-elle bonne au miel et à l'huile nouvelle? C'est moi qui en ai cueilli, une à une, les olives. T'en souviens-tu?
Il reste encore du temps pour ranger les cartables des enfants.
Allez, viens maintenant. Ouvre-leur la chambre à coucher. Et informe-les, tout doucement, qu'il est permis à chacun de nous de se perdre un jour en chemin, et que ce matin, papa n'a pas su comment se réveiller de son dernier sommeil.
El Ghazala 06 janvier 2008


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*Selma Dibej : mère de l'auteur

lundi 14 janvier 2008