vendredi 30 mai 2008

L'affaire de ma vie

Mon année sur les ailes du récit / texte 17 sur 53/ 30 mai 2008

L'affaire de ma vie

Un âne et aussi fils d'âne, celui qui était assis derrière le volant de la "BM" blanche ! Rien qu'un âne portant des vêtements ! Sinon il n'aurait pas eu aussi peur d'un chien qui voulait traverser. C'est qu'il faillit causer un terrible accident, le monsieur, s'il ne l'avait pas vraiment provoqué ! Car, moi, je n'avais pas eu, en vérité, le temps de me retourner pour voir ce qui était effectivement arrivé après que je sois passé sain et sauf.


Nous roulions à, pas moins de, cent à l'heure. J'étais derrière lui, à quelques petits mètres, bien concentré sur la manœuvre quasi millimétrique, par laquelle je devais passer entre lui et une camionnette USUZU, qui roulait à ma gauche et tentait, elle aussi, de le dépasser. Et voilà qu'il freina brusquement, manquant de m'obliger à faire de même et de subir le choc de la voiture qui me suivait à la même allure et qui voulait, à son tour, passer par la même brèche que je me pressais d'ouvrir entre ces deux voitures.
Heureusement que je suis homme à maîtriser parfaitement ma voiture et à n'hésiter jamais à utiliser la pédale d'accélérateur là où d'autres utiliseraient celle du frein. Ce n'est qu'ainsi que j'avais réussi à échapper à une situation aussi dangereuse ! Autrement il y aurait eu un accident qui aurait ravagé au moins une dizaine de voitures. Eh oui, seule la vitesse m'avait évité d'être broyé dans ma voiture !

*****


Mais le danger auquel je venais de m'exposer ne m'avait servi à rien :
- Oh, hé braves gens, mais je suis pressé, moi … Je dois arriver avant midi à la direction du dépôt des offres de services. Autrement tous nos efforts auraient été vains!
Mais qu'est ce que c'est que cette malchance ? Je venais à peine de franchir ce détroit, laissant derrière moi tout danger, que la circulation s'arrêta net sur l'autoroute "La Marsa – Tunis". ET des dizaines, voire des centaines de voitures se collant les unes aux autres, constituaient un barrage entre ma destination et moi. Si je n'avais pas été certain qu'il s'agissait bien d'un feu rouge, j'aurais dit que les propriétaires de ces véhicules étaient en train de conspirer contre moi pour aider ceux qui voudraient m'empêcher de décrocher l'affaire de ma vie !
Oui, je dis bien l'affaire de ma vie ! J'y avais misé toutes mes économies et il aurait suffi que je remporte l'appel d'offre pour nous garantir à ma femme et à moi de vivre au paradis pour le restant de nos jours, et à mon fils unique d'entrer dans le monde des affaires par la plus grande porte. Ce qui devait graver mon nom de famille dans le monde des affaires jusqu'à la fin des temps. Mais qu'est-ce qui se passait là ? Et pourquoi l'attente du feu vert durait-elle aussi longtemps ? Si l'attente se prolongeait encore ainsi, j'allais arriver à la direction des dépôts des offres, après expiration des délais fixés.
C'étaient certainement les agents de police qui s'occupaient de régler la circulation. C'est toujours ainsi avec eux : pour peu qu'ils se mêlent d'une circulation naturellement fluide, ils ne font que la bloquer. Ils donnent l'ordre de passer puis se mettent à discuter entre eux, ne s'occupant ni de surveiller les changements de couleur des feux, ni de répartir équitablement le temps de passage des voitures.
De ce fait, il était inéluctable de mener une attaque organisée aux clacksons, pour attirer leur attention. Et c'est ce qui fut fait. J'initiai le mouvement, et c'est tout naturellement qu'une véritable symphonie assourdissante monta dans les airs, grâce à laquelle s'ouvrit enfin la voie !

*****

La circulation était maintenant normale et je roulais aisément à toute vitesse. Il me restait encore un peu de temps. Avec un peu de chance, j'arriverais à l'heure. Je pourrais même arriver avant l'heure si d'autres feux ne m'arrêtaient pas.
S'il ne dépendait que de mon fils, le dossier serait arrivé à destination à la première heure. Mon fils n'était parti se coucher qu'à la toute fin de la nuit, après avoir terminé tout le travail demandé. Tout le groupe participant à la préparation du dossier avait, d'ailleurs, veillé avec lui pour me laisser un dossier tout prêt. Mais c'était moi qui avais retardé la préparation du dossier définitif jusqu'à cette heure-ci.
Il était en effet indispensable que j'intervienne. Il s'agissait là d'un secret professionnel que je n'aurais même pas divulgué à mon fils. Ce dernier et son équipe m'avaient laissé, comme je l'avais demandé, quelques cases à remplir dans les tableaux du montage financier de l'offre proposée. Mais, arrivé aux locaux de l'entreprise juste après leur départ, j'avais dû commencer le véritable travail qui consistait en la refonte complète des tableaux du montage financier en fonction des informations que j'avais pu glaner concernant la concurrence. Et c'est ce qui m'avait retardé jusqu'ici. Telle était en fait ma recette magique. Je projetais de l'expliquer à mon fils quand nous aurions remporté le marché.
Je quittai l'autoroute en un temps record. Avec mon dossier complètement transformé, surgirais à la dernière minute, pour donner le coup de grâce à tous les participants à cet appel d'offre. Mais voici que, de nouveau, se forma un embouteillage encore plus dense que celui de l'autoroute. J'allais finir par perdre complètement mon défi si je restais ainsi à attendre que toute ces voitures passent à raison d'une toutes les minutes.

J'avais tout prévu dans cette opération sauf ces embouteillages à répétition qui risquaient de m'empêcher d'arriver à l'heure. Il me fallait donc trouver une solution. Et là, tous les moyens étaient légitimes. L'essentiel était d'atteindre à temps l'objectif fixé. Il ne me restait alors que le "Système D", c'est-à-dire le recours au bas côté, à droite de la chaussée, qui me permettrait de dépasser tout le monde.
Il y avait deux voitures entre moi et la bande de terre nue du bas côté. Un sourire à ce vieillard et un coup de force devant cette dame prétentieuse et je roulais sur une voie libre avalant des centaines de mètres. Le tout était maintenant de pouvoir réintégrer la chaussée goudronnée. Mais pourquoi toutes les femmes étaient-elles devenues si agressives ?
- Juste une seconde s'il vous plait madame ! Mais pourquoi êtes-vous si méchante ? OK… OK… passez donc vite vielle malade … Et vous pourquoi klaxonnez-vous ainsi ? Ne comprenez-vous donc pas qu'i y ait un homme pressé ? Il n'y a plus de tolérance dans ce pays, ou quoi ?

*****

Enfin me voici arrivé au goulot d'étranglement de la circulation. J'étais certain qu'il s'agissait d'un accident. Il y aurait, parait-il, une voiture renversée. Mais je ne pouvais voir que l'agent de police qui intimait l'ordre aux conducteurs de vite s'éloigner. Discipliné, voici que j'essayais de me plier à ses ordres, alors que les autres cherchaient à savoir ce qu'il en était, gênant ainsi la circulation.
- Mais pourquoi n'exécutez-vous pas les ordres de la police ? Il est vraiment bizarre ce peuple… Ils ont vraiment raison ceux qui disent de nous que nous sommes encore bien loin d'un comportement civique.
Je klaxonnai, m'engouffrai parmi eux et passai enfin laissant cet homme, qui s'arrêtait pour me disputer, aboyer comme un chien. Il avait maintenant affaire au policier. Ce dernier s'empressait de lui demander ses papiers pour lui dresser une contravention : refus de se plier aux indications des agents de l'ordre et perturbation de la circulation sur la voie publique.
- Voilà ! C'est avec cette fermeté là que doit se comporter notre police nationale, face à des singes de cette espèce…
Il était maintenant midi moins dix. La vitesse était limitée ici, mais la voie était libre et j'étais contraint de me permettre ce léger dépassement. J'étais maintenant à quelques centaines de mètres de l'administration. Il me fallait juste arriver au croisement avant que le feu ne tourne au rouge.
- Orangé… moi, j'ai vu qu'il était orangé.
- Mais non il était rouge. Veuillez montrer vos papiers s'il vous plait !
- Désolé monsieur l'agent. Je vous jure que je l'ai vu orangé et, à dire vrai, je suis pressé. L'administration est là devant vous et…
Je n'ai trouvé aucune autre solution que de donner mes papiers et ceux de la voiture au policier, avant de lui laisser la voiture elle-même, moteur en marche, de prendre le dossier de l'appel d'offre et de courir pour atteindre, enfin, le siège de l'administration, sous le regard étonné du policier.
- Ouf… Midi moins deux minutes. Il me reste encore du temps pour déposer mon dossier.
Avant de mettre un pied sur la première marche des escaliers menant à l'entrée de l'administration, mon téléphone portable se mit à sonner. C'était le numéro de mon fils. Il devait vouloir s'informer de l'arrivée à temps du dossier. Je décrochai pour le rassurer. Mais une toute autre voix m'interpella :
- Connaissez-vous ce numéro ?
- Oui, bien sûr !
- Etes-vous le papa du propriétaire de cette ligne ?
- Ben oui ! Qui êtes-vous ? Et qu'est-il arrivé à mon fils ?


- C'est la police de la circulation. Désolé monsieur. Mais vous devez être fort et courageux. C'est un accident qui a touché une dizaine de voitures sur l'autoroute "La Marsa-Tunis". Beaucoup de blessés et… de morts. Vous êtes priés de venir reconnaître votre fils.

Le Haïkuteur - Tunis

jeudi 22 mai 2008

L'argument de l'absent

Mon année sur les ailes du récit / texte 16 sur 53/ 23 mai 2008

L'argument de l'absent

Comme d'habitude, il explosa comme une bombe, rien que pour un petit mot que je lui avais dit. Il cria : AAAAAH ! Et puis se réfugia dans son silence. Il boucha ses oreilles, comme d'habitude, me laissant expliquer ce que je pensais de lui aux meubles du salon.
Il était là à bouillonner de l'intérieur. On pouvait voir, à ses oreilles toutes rouges et à son visage en sueur, que je lui disais certaines de ses vérités qui touchaient le vieil abcès qui puait au fond de lui. La vérité est toujours ainsi, blessante, surtout quand elle est clairement dévoilée et qu'il est impossible de la nier. Je lui dis toujours ce que je pense de lui en toute franchise, parce que je l'aime vraiment. Si c'était quelqu'un d'autre qui avait ses défauts, je l'aurais parfaitement ignoré, parce qu'il ne m'intéresserait aucunement. Mais lui, c'est mon mari, c'est mon amour et je ne peux accepter qu'il soit inconscient de sa vérité.

L'homme est indéniablement bon, affectueux, intelligent, mais sa nature est abrupte et ses opinions sont tranchantes. Toute la société en arrive à lui tourner le dos. Et moi je voudrais qu'il s'améliore, qu'il soit parfait, ou le plus proche possible de la perfection. C'est ainsi que je veux mon mari et c'est ainsi qu'il aurait pu être, s'il m'avait écoutée et avait révisé radicalement ses positions. C'est seulement pour cela que je suis parfois un peu dure avec lui. Mais chassez le naturel il revient au galop. Voici plus d'un quart de siècle que j'essaye sans pouvoir le changer d'un iota !
S'il avait reconnu la pertinence de mon opinion sur lui, s'il avait reconnu que je lui étais supérieure, tant dans la compréhension de la psychologie des hommes, que dans l'acclimatation avec l'environnement où nous vivons, s'il m'avait simplement promis d'essayer de changer, la querelle aurait pris fin en quelques minutes. Mais il savait que son silence me mettait hors de moi et m'incitait à dire davantage d'amères vérités. Ce qui attisait sa colère et son bouillonnement intérieur pour nous entrainer dans un cercle vicieux de surenchères qui ne s'achevait que lorsque l'un de nous sortait. Et c'est la raison pour laquelle il avait préféré s'en aller, comme d'habitude, faisant l'économie de propos à même de provoquer l'effondrement de notre relation, voire de toute notre famille.
Ma colère ne dura pas plus que le temps qu'il avait mis pour se rendre du salon à la porte arrière du jardin. Car je connais bien mon mari. Je connais sa bonté, son attachement à la vie familiale qu'il tient pour sacrée. Je sais que sa colère ne se prolonge que rarement. Et quand bien même elle se prolongerait, il ne la laisserait jamais dépasser les limites de la maison. Que de fois avait-il menacé de s'en aller définitivement ? Mais jamais il n'était sorti de la maison que pour y revenir.
Comme d'habitude, il allait s'absenter une heure, voire moins, et allait revenir calme et conciliant. Avec la routine de la vie conjugale, l'amour qui, depuis longtemps, nous réunit, s'était probablement étiolé, voire quelque peu rouillé ! Mais de ses décombres était née cette accoutumance en or pur que jamais la rouille ne pourrait atteindre. Ainsi, s'il ne revenait pas par amour il reviendrait pour cette compagnie dont il savait pertinemment que je ne pouvais me passer et qui faisait qu'il a plus peur pour moi que pour ses enfants, voire plus que pour lui-même.
Un quart d'heure après son départ, j'ouvris une fenêtre donnant sur le jardin arrière, et donc sur le garage. Il ne devait pas être bien loin. Car il était sorti à pieds laissant sa camionnette à sa place. Il avait certainement dû se rendre chez son collègue et ami si Adel. Il allait veiller avec lui jusqu'à dix heures et demie du soir – c'est l'heure à laquelle il se couche toujours– et, pour me vexer, il allait boire avec lui quelques verres de vin. Quant à moi, je simulerais la colère, comme d'habitude. Je lui dirais que je déteste l'odeur infecte de sa bouche et lui tournerais le dos au lit. Je feindrais même de refuser son approche afin de l'exciter davantage. Et, comme d'habitude, il m'enlacerait par derrière, malgré moi, au nom de son droit légitime de disposer de mon corps. Alors je déclencherais une nouvelle confrontation qui ne se terminerait qu'une fois tous les deux enlacés, endormis dans le sucre et dans le miel.
Aucun des enfants n'était rentré ce samedi là. Alors si son excellence se permettait de sortir quand il le voulait, moi aussi je sortirais quand je le désirerais ! Ma voiture était garée devant la porte de la maison. Notre garage ne pouvant accueillir plus d'une voiture à la fois, celui de nous qui rentrait le premier s'empressait d'y garer sa voiture. Et, comme je ne pouvais sortir de mon travail avant l'heure, il faisait toujours tout pour rentrer le premier et garer sa carcasse de camionnette dans notre garage laissant ma voiture neuve en proie à tous les dangers de la voie publique. Mais ce sujet était un point de discorde qu'aucun de nous n'osait aborder ni mettre sur le tapis afin d'en chercher la solution.

*****

Je montai en voiture et m'engageai en direction de la ville. Comme d'habitude, en pareilles circonstances, je me rendis dans la maison de Neila, mon amie d'enfance. Neila me demanda, comme d'habitude, des nouvelles des enfants et j'expliquai que les examens étant imminents, ils avaient préféré rester dans leurs cités universitaires pour réviser dans les meilleures conditions. Puis elle m'interrogea sur la santé de mon mari et je répondis qu'il était plus robuste qu'un chameau. Et comme elle me connaissait plus que je ne me connaissais moi-même, elle me lança crûment une question sur la santé de ma vie de couple. Là, je me tus autant que je le pouvais pendant qu'elle me regardait en attendant la réponse et je finis par dire : "de goudron, comme d'habitude" ! Puis je me mis à tout déballer sans omettre le moindre détail de notre querelle.
Neila ne me permit de quitter sa maison qu'après lui avoir avoué que, cette fois-ci, c'était moi la fautive. Mais je m'obstinais, comme d'habitude, à ne jamais vouloir l'avouer à mon mari et décidais de ne me réconcilier avec lui que s'il s'excusait de sa colère exagérée et du silence blessant avec lequel il avait appris à m'affronter à chaque fois que j'abordais un sujet qui ne lui plaisait pas ou quand j'exprimais franchement une opinion sur lui.
Comme d'habitude, j'avais, de mon coté, bien calculé mon coup ! J'atais rentrée à temps pour diner rapidement, toute seule, et me mettre au lit juste avant l'heure où il avait l'habitude de rentrer de chez son ami, à chaque fois qu'il passait la soirée à boire avec lui. Je feignis de dormir et ne me rendis compte que le sommeil m'emportait réellement qu'au chant du coq des voisins. Je me retournai, mai sa place demeurait vide dans le lit.
Ainsi donc, il voulait mettre le feu aux poudres ! Son Excellence avait, sans doute, passé la nuit chez son frère. Chedia, mon honorable belle sœur, avait donc dû bien comprendre la raison pour laquelle il se s'était attardé à veiller chez eux et c'était elle qui avait dû proposer à son mari de le retenir à dormir. Qu'est ce qu'elle devait être contente de le voir accepter cette proposition !
Je jugeai qu'il allait revenir tôt ou tard à la maison et que je saurais le punir de cette occasion qu'il venait d'offrir à ma rivale de se réjouir de mon malheur. Et je commençai, de suite, à exécuter mes menaces. Il aimait le couscous au déjeuner du dimanche. D'ailleurs nous avions acheté ensemble, avant que n'éclate la dispute, tout ce qu'il fallait pour le préparer. Eh bien il n'en serait rien, c'est juré ! Serait-ce au prix de notre rupture définitive. Il venait de donner à "Chédia, Charbon mal au point", l'occasion de bien ficeler ses mauvais tours contre moi. J'allais lui montrer de quoi était capable une femme Et il n'avait encore rien vu de tel en un quart de siècle de vie commune.


Je passai donc toute la matinée au lit à lire un magazine en me préparant à lui déclarer la guerre dès son retour. Mais il ne revint pas. Ainsi donc, Il s'était décidé à prolonger, cette fois-ci, sa bouderie. Je mangeai du pain et du fromage et revins au lit pour réfléchir à ce qu'il faudrait faire s'il avait pu effectivement m'en vouloir au point de quitter la maison comme il avait menacé de le faire à maintes reprises.
Je passai en revue nos programmes urgents et me souvins que nous avions rendez-vous, lundi matin, avec un ami à lui, employé de banque, pour faciliter à mon amie Neila l'obtention d'une rallonge de crédit afin de terminer la construction de sa maison. Et comme je ne devais pas permettre à mes différends conjugaux de perturber l'exécution des plans de mon amie, je commençai à réviser ma stratégie et à me convaincre que le mieux serait que je prenne, moi-même, l'initiative de la réconciliation.
Je pris un bain, me maquillais, me parfumai, mis ma chemise de nuit rose et attendis son retour jusqu'au coucher. Et quand je réalisai qu'il était décidé à s'absenter encore, je décidai de l'appeler sur son téléphone portable pour lancer, à distance, l'offensive de la réconciliation. Mais par deux fois, la sonnerie s''était tue sans que j'obtienne la moindre réponse. Il venait de me blesser en ne daignant pas décrocher pour répondre, mais ma peur de le voir poursuivre longtemps sa réaction de cette manière grandissait. Car c'est un homme extrémiste en tout, extrémiste dans sa bonté, extrémiste dans la vitesse avec laquelle disparaît généralement sa colère, mais encore plus extrémiste quand il décide d'opter pour une réaction radicale.
Assi avais-je jugé que je devais maintenant battre le fer tant qu'il était encore chaud, reconnaître tout mon tort et même faire toutes les concessions d'un seul coup, pour prévenir ce que nous dissimulait l'inconnu. J'appelais alors son frère, mais le téléphone portable de ce dernier était fermé. Mon affolement s'accentua et je jugeai que supporter le cynisme de " Chadia, charbon mal au point", était moins pénible que de laisser mon mari tomber dans le piège de la première femme venue qui, le rencontrant dans cet état, pourrait facilement me le chiper.

*****

Je m'habillai de suite et me rendis chez Chadia. Elle aussi était seule à la maison. Les deux frères se seraient-ils mis d'accord pour se disputer avec leurs femmes en même temps ? Comme d'habitude, elle répondit à ma voix intérieure en me disant que tout chez elle allait très bien. Et elle expliqua l'absence de son mari par sa participation à un colloque dans le sud, d'où il n'allait rentrer que tard dans la nuit.
Si mon mari avait passé la nuit chez elle, elle m'aurait énuméré tout ce qu'elle lui avait servi à boire et à manger depuis son arrivée et jusqu'à son départ. Mais elle demeura muette. Ce qui voulait dire que son excellence voulait m'effrayer en se cachant là où je ne pouvais pas le retrouver. Je l'appelai encore une fois sur son téléphone portable. Et, encore une fois, la sonnerie prit fin sans qu'il ne daigne décrocher. C'est alors que je devins furieuse et décidai de me rendre chez ma mère pour y rester jusqu'à ce qu'il vienne, lui-même, me réconcilier et présenter des excuses.
Là, devant la maison de mon enfance, je vis mon frère discuter avec le propriétaire de la librairie avoisinante pendant que je garais ma voiture. Il me faisait signe de sa main alors que je serrais mon frein à main, ouvrais la portière et m'apprêtais à descendre. Mais une idée me traversa soudain l'esprit. Elle me serra le cœur. Je refermai la portière, remis le contact et redémarrai à la vitesse d'un oiseau qu'aucune barrière ne pouvait arrêter.
Je ne sais comment je conduisis ma voiture, ni qui me prit en filature, ni encore comment j'étais arrivée chez moi. Je ne sais même pas depuis quand je réside, pieds et poings liés dans la salle de réanimation de cet hôpital, ne me réveillant que pour recevoir à nouveau cette injection de drogue.

Tout ce dont je me souviens, et je ne sais si c'était dans la réalité ou dans un cauchemar, c'est que j'étais dans le jardin en train de courir, contournant, dans le noir, la maison. Arrivée au garage, j'ouvris la portière de la camionnette. Et son corps rigide de tomber dans mes bras. Je tombai sur lui évanouie, emplissant mes poumons de l'odeur de la mort glacée qui s'en dégageait et qui remplit, encore aujourd'hui, mes narines.

Le Haikuteur - Hamamet

jeudi 15 mai 2008

Tu vivras et prieras pour les morts

Mon année sur les ailes du récit / texte 15 sur 53/ 16 mai 2008

Tu vivras et prieras pour les morts

Il y a deuil dans le quartier ce matin ! Voici un autre mauvais joueur qui s'en va à la rencontre du Miséricordieux ! Oh vivants, dites du bien de vos morts. Que dieu l'accueille dans sa miséricorde et lui pardonne son entêtement !

Je leur avais lancé le défi depuis qu'on était encore sept retraités. Pleins de vie, nous priions ensemble, jouions aux cartes ensembles, faisions ensemble le tour de la ville, des ruelles de la Médina comme des nouvelles cités qui poussent toujours comme des champignons à l'extérieur des remparts. Ensemble, nous présentions nos condoléances à ceux qui restaient encore en vie avec nous, mangions le couscous à la viande en guise de participation aux prières pour les morts et rentrions au Rbat attendre nos tours.
J'avais parié avec eux que je serais le dernier à partir, que je les enterrerais l'un après l'autre et que je mangerais du couscous de leurs deuils, pour ne les rejoindre au cimetière qu'une fois tous les six endormis là bas.
Quatre avaient déjà perdu le pari et le cinquième les a rattrapés. De toute la bande Il ne me reste plus qu'un seul copain. Mais qui est alors le partant d'aujourd'hui ? Néji El féni ou bien Othman Echcherch ? Et qui de nous deux gagnera le pari et rira le dernier aux dépends de tous ?
Certains me demanderont comment je pouvais le savoir, alors que ma chambre encore fermée beigne dans le noir et que personne n'y est entré pour m'informer. D'autres répondront que rien n'est plus facile : l'odeur du couscous du deuil s'était déjà répandue dans toute l'impasse, si c'était un couscous de fête tout le quartier l'aurait su depuis des semaines. Seule la mort s'abat soudainement sur quelqu'un. Et l'on ne s'aperçoit du fait accompli que lorsque nos oreilles entendent des cris de douleurs, ou que nous montent aux narines les odeurs du couscous du deuil avec les senteurs incomparables de ses épices.
Partout dans le pays, le principe de base des rites du deuil est qu'il n'est cuisiné aucun repas dans la maison du défunt, jusqu'au jour du Farq*. Et c'est tout le contraire dans cette ville rebelle où les coutumes imposent à la famille du mort de se concentrer totalement sur la préparation du couscous du deuil, sur l'organisation de "banquets" pour le dîner de tous ceux qui viennent présenter leurs condoléances ou montrer leur compassion. Et ce, pendant trois jours, à compter de celui de l'enterrement. C'est alors aux voisins et aux proches qu’il revient d'exécuter les tâches en rapport avec le "Ghusl"*, le linceul et la préparation de la cérémonie d'accompagnement du défunt à sa dernière demeure.
On pourrait dire qu'ainsi, l'odeur du couscous m'aurait effectivement aidé à découvrir ce qui était arrivé. Mais, croyez-le ou pas, je suis un homme d'une sensibilité très aiguisée à détecter la présence de la mort. Dès qu'elle rode autour du quartier, mon cœur se crispe et je suis comme incapable de respirer. J'en arrive parfois, quand le défunt m'est très cher, jusqu'à sentir mon sang se coaguler dans mes veines et mes mains se refroidir au point que mes doigts se glacent même en saison estivale. Et c'est exactement ce que je ressens ce matin. Alors, sans polémique, il y a deuil dans le quartier et le mort est l'un des vieillards que j'aime le plus, sinon celui que j'ai de plus cher.
*****

Nos fins sont, bien évidemment, entre les mains de dieu. Le mort pourrait même être un jeune dont il serait impensable d'imaginer maintenant la fin, ne serait-ce que comme une hypothèse. Mais deux signes permettent d'affirmer que le mort ne peut être que Neji Elfani.
La Première est que Neji n'est même plus autorisé à ce qu’on le sorte de chez lui. Et c'est pourquoi il m'avait explicitement appelé à lui rendre une visite d'adieu, "sait-on jamais avec la mort". Quand ma fille m'emmena chez lui, dans mon fauteuil roulant, voici une semaine et qu'elle nous laissa seuls dans sa chambre comme nous le lui avions demandé, il me dit :
- "Je crois, fils de chien, que tu vas m'enterrer, moi aussi".
Et je lui répondis en me moquant de lui:
- N'aie pas peur, fils de cochon ! Evidemment que je le ferai, grâce à dieu. Rendez-vous derrière le mausolée de Sidi Mezri, avec ces mains-là, je t'enfouirai sous terre."

Et nos larmes tombèrent de nos yeux comme une pluie, et nous riions, nous riions comme jamais nous n'avions ri auparavant. Et il toussa jusqu'à faillir mourir étouffé !
Quant au second signe, c'est que maintenant je suis certain que midi est passé, alors que ma fille n'est pas encore venue m'apporter à manger comme d'habitude. Qu'elle soit occupée à aider la femme d'El Feni à préparer le couscous du deuil, cela n'est qu'une évidence. Mais cela ne l'aurait absolument pas empêchée de me nourrir. Cette omission est, donc, volontaire. Car, sachant à quel point Neji m'est cher, elle a peur que sa mort ne m'affecte. Elle appréhenderait mon insistance à accompagner son cercueil et, peut-être, qu'il m'arrive quelque chose en route, voire que je décède au cimetière, ce qui constituerait le scandale du siècle.
Mais quel qu'en puisse être le prétexte, je ne lui pardonnerais jamais si elle ne me permettait pas, au moins, de voir le défunt et de déposer sur son front le baiser du pardon, avant qu'on ne nous prenne sa dépouille.
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Je ne veux pas me mettre en colère contre ma fille, de peur de la maudire ou de la priver de ma bénédiction, alors qu'elle est la seule à tout sacrifier pour mon repos, et à me soigner dans ma maladie dernière - Oh mon Dieu préserve là et pardonne moi ce qui pourrait résulter de mon énervement, car le seul soutien que j'ai trouvé dans ces jours sombres de ma vie, c'est elle - mais je crains que, par peur pour moi, elle n’ait déjà décidé de me priver de faire mes adieux à mon copain d'enfance, préférant me laisser avoir faim, ce que je ne ressens d'ailleurs plus du tout, au lieu de m'informer de sa mort, avec les conséquences que cela pourrait avoir sur moi.
Mais non ! Les choses ne se passeront pas aussi simplement ! Elle ne sait pas ce que je peux accomplir comme miracles, moi, quand je tiens à réaliser quelque chose. Et voici que je ferme mes yeux et prie Dieu de toutes mes forces, de réaliser mon vœu d'accompagner mon copain à sa dernière demeure. Et je crois que Dieu commence déjà à exaucer mon vœu. Car voici que je m'élève au dessus de tous et que je vois Néji étendu dans son cercueil. Voici que je m'abaisse sur lui pour le baiser du pardon. Mais je sens curieusement mon front chaud effleurer ses lèvres froides comme de la glace. Et puis je sens comme si je voyais le cercueil mis dans le fourgon mortuaire de la municipalité, comme si j'étais assis parmi les lecteurs du Coran qui l'entourent, et comme si je commençais à m'éloigner du quartier avec la foule des accompagnateurs.
Croyez-moi, l'odeur du couscous du deuil commence à s'éloigner de moi jusqu'à disparaitre définitivement. Et, à sa place, je commence à sentir le pain de l'enterrement, comme si, à mon côté se tenait Hassine Weld Jarty portant ses petits pains ronds dans le sac qu'il a l'habitude de porter lors de tous les enterrements pour en distribuer aux pauvres comme aux riches, comme l'exige la tradition.
Me voici donc avec les marcheurs du cortège qui quitte le Rbat, contourne les remparts, arrive au cimetière, le laisse à sa gauche et se dirige vers la Mosquée Bourguiba. Nous voici dans le vaste patio de la mosquée où nous rencontrons la foule des priants qui sortent de la salle des prières pour se rassembler debout en longues lignes droites derrière le cercueil et accomplir, dans le recueillement, la prière de la Janaza*.

Et puis, de retour au cimetière, me voici laissant la grande foule derrière moi, près de la coupole des condoléances, pour accompagner un groupe restreint d'hommes, portant le cercueil sur leurs épaules. Ils contournent le mausolée de Sidi El Mezri et se dirigent finalement vers cette fosse creusée à l'avance.
Mais que se passe-t-il ? Le groupe me semble trotter en direction de la fosse. Je crois manquer de courage pour assister au reste du cérémonial de l'enterrement. Ne distinguant plus rien de rien, je me sens malmené par tous ces gens qui se hâtent à prendre la dépouille du cercueil pour la déposer au fond du trou.
Je sens mon cœur brusquement se serrer plus qu'il ne l'avait fait ce matin. Pire, voici que je me sens encore plus incapable de respirer que je ne l'étais ce matin, avec mon sang encore plus coagulé dans mes veines qu'il ne l'était ce matin. Et voici le grand froid qui envahit enfin mes mains pour totalement me glacer.
*****

Ma fille avait-elle raison de redouter l'effet de la nouvelle de la mort de mon ami sur moi? Mais pourquoi ai-je brusquement arrêté dans mon imagination ma participation à l'enterrement et suis-je rentré tremblant à ma chambre ? La mort m'effraye-t-elle à ce point ? Et pourquoi fait-il, dans ma chambre, encore plus noir que d'habitude, alors que dehors, il fait encore jour ?
Je ne crois pas que tout ceci soit le résultat d'une lâcheté qui a atteint ses limites. Mais il semblerait plutôt que ce serait finalement moi, Othman Echcherch, le mauvais joueur qui s'en est allé, ce matin, à la rencontre du Miséricordieux. Ce serait moi qui aurais, donc, perdu le dernier pari. Et ce noir qui m'enveloppe ici ne serait point celui de ma chambre mais bien celui de ma tombe.

Je vais certainement découvrir tout de suite ma nouvelle demeure et retrouver les autres membres de ma bande qui m'ont précédé. Mais où vais-je me cacher de Néji El Feni, qui échappe pour un moment, à la mort ? Bientôt, il va nous rejoindre ici. Que lui dirais-je, moi qui lui avais promis, mais qui, pour la première fois, ne tenais pas ma promesse ? L’abandonnant dans la périssable, après moi, il finira par mourir de solitude!

Le Haïkuteur – Nouvelle Ariana/Monastir

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*"Farq" : cérémonie organisée le troisième jour après la mort en guise de fin du deuil
*"Ghusl": rite, à caractère religieux, du bain dernier avant l'enterrement du mort.
*Prière de la Janaza : prière musulmane imposée à tous les habitants d'une cité à l'occasion d'une mort. Il suffit qu'un groupe la fasse pour que le reste des habitants en soit affranchi.

jeudi 8 mai 2008

La Grappe de Raisin

Mon année sur les ailes du récit / texte 14 sur 53/ 09 mai 2008

La Grappe de Raisin

Le cri de la femme affligée qui retentit sur la plage de Rafraf déstabilisa tout mon être. La plage était presque déserte. Le printemps n'était pas encore fini et les foules des estivants n'avaient pas encore envahi notre village en grand nombre. J'étais allongé sur le sable et, soudain, le cœur arraché, je me dressai comme si j'étais électrocuté. Je laissai ma femme qui était allongée à mes cotés semblant n'avoir rien entendu, et me ruai en vitesse vers l'eau ne sachant si je devais courir ou nager.


Il était clair que la femme qui appelait au secours était étrangère au village et ne savait pas nager. L'eau lui arrivait au niveau du nombril. Elle criait et s'apprêtait à se jeter derrière sa petite fille que les vagues venaient de lui arracher l'emportant vers le large. Quant à moi, je me précipitai en leur direction criant à la femme de s'arrêter sur place et de ne plus avancer pour n'être pas à son tour emportée par le courant. Heureusement pour elle et pour la fillette, elle obtempéra. Autrement l'une d'elles au moins aurait succombé noyée.

*****

Je sortis la fillette à la plage. Sa maman me suivait ne cessant de se lamenter. Je renversai la noyée sur la tête pour la vider au tant que possible de l'eau de mer qu'elle avait avalée. Elle était presque inconsciente. Je me mis à la presser contre ma poitrine et l'eau coula de sa bouche. Puis je la redressai tentant de la mettre sur pieds. Elle arrivait à peine à tenir debout. Je commençai alors à lui donner des tapes sur les joues et sur le dos jusqu'à ce qu'elle inspirât enfin et se mit à tousser. Alors seulement, je repris espoir et acquis la certitude qu'elle était sauvée. Mais ce fut en vain que je tentai de rassurer une maman dont les cris manquaient de me crever les tympans. Ne pouvant se contrôler, elle continuait à hurler et à taper violemment des mains sur ses jambes.
J'envoyai Appeler la protection civile, allongeai la fillette sur le sable et commençai à presser régulièrement sa poitrine de mes deux mains pour l'aider à reprendre sa respiration. Mais la femme qui s'approchait trop de sa fille, au point de gêner mon action, m'obligea à relever la tête pour lui crier de s'éloigner et de se calmer pour le bien de sa fille.


Elle était accroupie derrière la tête de sa fille et il était inéluctable que mon regard se posât sur une partie intime de son corps. Et, à l'intérieur de sa cuisse gauche, juste à deux doigts du bord de son caleçon, se trouvait une tâche noire, de la taille de mon pouce, qui m'emporta en un clin d'œil de la plage de Rafraf à l'un des Hôtels du sud où j'avais travaillé, voici quelques cinq ou six ans.

******

Dieu soit loué, il crée quarante semblables et j'en suis convaincu. Dans ce visage, Je ne reconnaissais aucun détail et ne pouvais donc confirmer aucune identité entre cette femme ci et celle-là. De plus, une expression de frayeur défigurait le visage de cette maman sans rien ôter à sa jeunesse ni à son éclatante beauté. Mais comment se pouvait-il que deux femmes différentes aient exactement au même endroit de l'intérieur de la même cuisse, et sur la même surface, cette même tâche qu'il m'est impossible d'oublier ?
La saison touristique au sud touchait à sa fin. J'avais laissé ma femme à Rafraf, juste après notre mariage et quatre mois passèrent sans que je ne prenne le moindre jour de congé. Quant à cette femme, elle était dans sa chambre, sans compagnie et ne l'avait pas quittée depuis deux jours. Depuis qu'elle était arrivée, elle demandait qu'on lui serve à manger dans sa chambre.
J'étais chargé d'assurer ce service et, à chaque fois que j'entrais, je la trouvais en train de verser de chaudes larmes. Je la regardais discrètement et elle m'adressait des regards dont je ne comprenais pas bien le sens. Mais sur ses lèvres pendaient des paroles qui hésitaient à sortir, comme si la cliente voulait obtenir de moi un service qu'elle n'osait pas demander. Le troisième jour, je la trouvai dans son lit, comme d'habitude. Je mis le plateau du petit déjeuner sur la table et me tournai pour sortir, mais sa voix m'arrêta :
- Voudriez-vous m'accorder une aumône pour laquelle je n'arrêterais pas de prier pour vous pendant toute ma vie et même après ma mort ?
Je me tournai étonné de cette femme d'apparence riche et qui se permettait de demander l'aumône à un pauvre comme moi qui était à son service et je répondis :
- Je suis un homme pauvre, madame. Je ne possède que ma force physique.

- Et moi je n'ai besoin que de vos efforts … Donnez moi juste un peu de joie et couvrez-moi. Et Dieu vous en gratifiera des plus larges récompenses…
Ainsi exprima-t-elle son besoin, les yeux en larmes. Et, quand elle vit que je n'avais pas clairement compris le sens de ces propos, elle tourna la tête vers l'autre côté, couvrit ses yeux de son bras pour ne plus me voir, puis ôta toute la couverture, la laissant tomber à côté du lit, et ouvrit enfin ses jambes. Elle avait mon âge, était toute nue et d'une beauté terrifiante. S'il y avait à ma place un ascète qui avait aussi faim qu'elle et que moi, il aurait changé de religion sur le champ pour lui procurer cette joie dont toute sa vie dépendait.
Peu importent les détails. Ce qui l'est c'est cette plaque noire à l'intérieur de sa cuisse gauche qui avait tout de suite attiré mon attention. Je lui posai la question et elle répondit sans se tourner pour me montrer son visage :
- Une grappe de raisin, une envie de ma mère quand elle était enceinte de moi.
Je me mis à masser la tâche avec le pouce et l'index. Elle prit aussitôt du relief, rougit et s'emplit une enivrante transparence jusqu'à devenir une véritable grappe de raisin avec des feuilles noires et des graines transparentes d'un rose de vin. Quant à la femme, plus je massais la grappe, plus elle se relâchait ; jusqu'à faillir crier d'ivresse, n'eut été ma large main qui se précipita pour la bâillonner.
Quand je finis de me remettre en état pour sortir, elle avait déjà repris ses esprits. Elle s'enfouit entièrement sous la couverture et se mit à prier Dieu pour moi à voix audible et pleine de pieuse émotion, comme si elle ne baignait pas avec moi dans le péché. Puis, me cachant toujours son visage, elle m'arrêta en disant :
- Il me reste à vous prier de me rendre encore un seul service : promettez-moi de refuser le mariage de votre fils ou votre fille avec quiconque se nommerait Nader ou Nadra.
Sans cacher mon étonnement d'une telle demande, je le lui promis. Et je sortis pour ne plus la revoir depuis.

*****

Quand arrivèrent les agents de la protection civile, la fillette avait déjà repris conscience. Je lui avais vidé le ventre de l'eau de mer, lui avais massé la poitrine et l'avais incitée à tousser, jusqu'à ce que sa respiration ait retrouvé un rythme normal. Ce faisant, j'étais tout le temps en train de lever la tête pour demander à sa maman plus de calme, même après qu'elle s'était bien calmée. Mon objectif était plutôt de jeter un regard furtif sur cette tâche d'envie à l'intérieur de sa cuisse, avant de reprendre consciencieusement mon travail en scrutant le visage de la fillette.
Elle n'avait pas plus de quatre ou cinq ans et c'était déjà une enfant d'une grande beauté. D'une beauté effectivement rare, ce qui donnerait à son nom, Nadra*, une justification convaincante. Sa peau avait la netteté et le teint brun de celle de sa mère. Quant à ses yeux, ils étaient bleus. Et si j'avais à croire mon sixième sens et ce cœur qui battait si fort, je dirais qu'ils avaient le bleu des yeux authentiquement Rafrafis, voire le bleu de mes yeux à moi.
Quelque chose de plus fort que moi m'attachait à cette fillette et même à sa mère. Cela se voyait sur mon comportement alors que j'accompagnais les agents de la protection civile à leur voiture, tentant de les dissuader d'emmener la noyée à l'hôpital pour des examens plus poussés. Il paraitrait même que lorsque la maman me serra la main pour me remercier de nouveau, je lui aurais serré longuement les mains au point de l'indisposer. Je suis certain qu'elle ne m'avait pas reconnu. "Dieu crée quarante semblables", comme le dit le dicton.
Quant à ce vieillard qui s'était joint à nous, je ne m'était aperçu de sa présence et du fait qu'il était son mari, et donc la papa de la fillette, que quand son embarras lui fit mettre sa main à son portefeuilles pour en sortir une liasse de billets qu'il me tendit en me renouvelant ses remerciements. C'est alors que mon visage rougit de honte. Mais je feignis une colère fièrement maitrisée pour lui dire :
- Désolé monsieur, mais je crois qu'ainsi vous m'humiliez. Il parait que vous ne m'avez pas bien compris. Nous sommes de ceux qui font le bien pour l'amour de dieu et qui n'attendent pour toute récompense que les prières de ceux qui le reçoivent. Tout le problème est que j'hésite à poser une question si vous me le permettez.
Et, sans attendre qu'ils me le permettent, je leur demandai si la fillette portait le nom de Nadra. Une lueur traversa alors les yeux de la jeune épouse qui se précipita de répondre que oui, mais qui me posa, en me regardant fixement dans les yeux, la question de savoir comment je l'avais deviné.
Esquissant un sourire dans lequel elle pouvait lire un mélange d'affection, de tristesse et de sincère renoncement, je lui répondis :
- Non rien, madame ! Peut-être vous aurais-je entendu l'appeler ainsi. Dieu protège de tous les maux votre fille ! Mais je me souvins en la tenant dans mes bras que j'avais, moi aussi, une petite fille de son âge que j'avais égarée dans le sud depuis des années et ne lui avais plus retrouvé de trace. Et, pour une bonne cause dont il a seul le secret, Dieu ne m'a plus donné d'enfants, après elle.

*****

Sentant des larmes me monter aux yeux, je me tournai pour que le couple n'en voie rien. Mais ma femme qui vint à ma rencontre et qui venait d'entendre ce que j'avais dit, s'empara nerveusement de mon bras comme si elle venait de reprendre un bien à un étranger, m'emmena loin d'eux et commença à s'en prendre à moi presque en chuchotant :
- Ainsi donc nous avons une fillette que nous avons perdue ! Espèce de traitre au regard égaré, espèce de coureur de jupons… Rentrons de suite à la maison et tu verras… Si j'étais à la place de l'homme je t'aurais égorgé sur le champ. Crois-tu que les gens sont des idiots ? Crois-tu que personne n'avait remarqué que tu t'agrippais aux mains de la femme et que tes yeux manquaient d'avaler ses seins ? Je noircirais ta vie… Tu fais le bien pour tomber tout de suite dans le péché ? Si tu avais accepté l'argent, c'aurait été moins grave …
J'entendais bien le bavardage de ma femme qui tempêtait contre moi mais n'en percevais presque rien. J'étais loin, très loin, comme totalement absent. Le cœur serré, je suivais des yeux la Mercedes qui, emportant le vieillard et sa jeune épouse, nous dépassait pour se lancer à la poursuite de la voiture de la protection civile.

Comment faire le deuil d'une enfant de mes entrailles qui à peine retrouvée et sauvée d'une mort certaine, venait de m'être enlevée par une ambulance qui l'emportait là où je n'avais plus que le choix de l'oublier à nouveau ?

Le Haikuteur – Rafraf

Nadra : nom propre qu'on pourrait traduire par l'adjectif "rare".

jeudi 1 mai 2008

A très bientôt !

Mon année sur les ailes du récit / texte 13 sur 53/ 02 mai 2008

A très bientôt !

"Je suis épuisé de l'attendre, avait-il dit." Et puis il se tut.
Enfin il avait parlé … Son visage s'illumina. Il me parut serein et d'une beauté certaine. Ce qui m'encouragea à lui tenir compagnie pendant une partie de la nuit, l'incitant à dire ; et Il me parla d'elle, entre un long silence et un autre, plus long encore. Voici le résumé approximatif de ce qu'il m'en dit :

*****

Mon grand père - dit-il - avait un petit verger que nous appelions "verger de la pêche". Il était loin de la vielle Médina et avançait dans la plage rocheuse tel un bras où presque rien ne poussait, sauf à l'entrée où se dressaient un mûrier, un très haut caroubier et deux figuiers. Les branches de tous ces arbres sans âge s'interpénétraient dans un terrain exigu formant une autre clôture après les haies de cactus et d'aloès, qui dissuadaient les plus durs des hommes étrangers de penser à simplement traverser le verger pour accéder à la plage.
Il y avait encore, la fameuse baraque d'Azizi*, une caverne d'Ali Baba avec plein de filets, de gargoulettes, de divers outils de pêche et autres ustensiles. A même l'eau, se trouvait sa petite barque abandonnée depuis sa mort, cela devait faire quatre ans ou plus. Mon oncle maternel ayant fui la mer et l'agriculture pour travailler dans la maçonnerie. Quant à moi, ayant lamentablement échoué dans ma première amourette, je détestai la vie et m'isolai dans "le verger de la pêche" résolu à me suicider par noyade.


Ce fut à l'heure du coucher. J'étais assis sur un rocher à la pointe du cap, d'où je pouvais voir toute la côte des Souanis* avec ses deux baies. Je tournais le dos à la baraque d'Azizi, feignant de surveiller le disque du soleil qui s'éteignait dans l'eau salée et guettant discrètement les mouvements des pêcheurs pour m'assurer de la sortie de toutes leurs embarcations et de leur retour chez eux, avant de foncer vers mon destin et de réaliser mon projet, certain que personne ne pourrait alors me porter secours.
Mais voici que j'entendis derrière moi la porte de la baraque claquer et des pas s'approcher de moi, trainant une Chelaka*. Je ne me retournai point pour en savoir plus, ne croyant presque pas mes oreilles. Une femme me dépassa tenant à la main un Qirbech* en roseau avec lequel elle descendit la falaise sans m'accorder le moindre intérêt. Comme si j'étais, moi, l'étranger dans le verger de mon grand père et elle la propriétaire des lieux.
Ayant perdu tout désir de garder avec ce qui m'entourait le moindre contact, J'ignorai, donc, à mon tour, la passante. Mais je ne nie pas qu'elle avait suscité en moi quelque curiosité pour voir ce qu'elle allait faire du Qirbech.
atteignant l'eau, elle s'y avança jusqu'aux genoux, coinça le Qirbech entre ses jambes et releva la tête scrutant à ma place le coucher du soleil. Mes yeux étant maintenant braqués sur elle et sur ce Qirbech avec lequel j'avais plein d'histoires qui remontaient à ma tendre enfance.
Que de fois, en été, mon grand père me l'avait-il rempli de figues ou de mûres ; et que de fois, debout au bord de la route goudronnée en compagnie de mon oncle, avions nous attendu les voituriers qui s'arrêtaient pour nous en acheter le contenu. Grand-père nous restituait alors la moitié de la recette comme argent de poche et nous la partagions à égalité.


Avant que le soleil ne se noie complètement dans les vagues d'or carbonisé, la femme était debout devant moi me tendant sa main avec mon Qirbech et ne prononçant pas un mot. J'avais repris l'admiration du coucher du soleil depuis que je la vis rebrousser chemin tournant le dos à la mer. Je fis mine de l'ignorer totalement et, avec une curiosité grandissante, je la regardai du coin de l'œil jusqu'à garder d'elle une image dans ma mémoire, mais je ne bronchai point.
Elle était une femme de taille moyenne, de féminité moyenne, sans âge et dont le visage n'exprimait rien de particulier. Je ne sais pourquoi ses lèvres esquissèrent un sourire chargé de moquerie, de défi et de tendresse à la fois. Mais, toujours aussi calme, elle s'abaissa pour déposer le Qirbech à côté du rocher sur lequel j'étais assis et s'en alla, marchant d'un pas décidé sans se retourner vers moi. Je laissai l'horizon avaler la dernière lueur du soleil et me tournai pour la suivre des yeux. Ses deux petits pieds étaient perdus dans une Chelaka en plastic que je connaissais parfaitement. Ce fut celle de mon grand père. Il la portait pour descendre à la mer. Sans s'arrêter, elle lança de ses pieds la paire de Chelaka devant la baraque et disparut dans le noir entre les branches des arbres et la haie de cactus.
Je me retournai vers mon Qirbech et vis qu'il contenait un gros loup de mer, pesant au moins trois livres, qui s'agitait encore tentant désespérément de revenir à la vie. Je n'avais jamais vu, ni entendu parler qu'un autre que cette femme là aurait attrapé une telle pièce considérable, simplement en coinçant un Qirbech entre ses jambes, dans une eau n'atteignant presque pas la hauteur de ses genoux. Mon étonnement grandit, ma curiosité s'accentua et je commençais à douter qu'il y avait un secret derrière tout ce qui se passait. J'eus comme une certitude que quelqu'un aurait découvert les détails de ce que j'avais planifié et qu'il serait en train de me surveiller je ne savais d'où. Alors je me décidai à feindre de n'être venu au "verger de la pêche" que pour rester un peu seul avec moi-même.

*****

Je descendis de mon rocher et pris le Qirbech avec moi à la baraque pensant faire croire à mon surveillant que j'allais préparer mon dîner. Effectivement, il y avait dans la baraque des ustensiles de cuisine et de la vaisselle. C'est que mon oncle avait pris l'habitude, depuis que son père ne venait plus à la pêche, d'organiser, de temps à autre, dans le verger, des soirées arrosées auxquelles il invitait certains de ces amis. La différence d'âge entre lui et moi ne dépassant pas une année et quelques mois, je m'étais, moi-même, rendu quelques fois, à ces soirées.
Après m'être absenté du verger pendant un quart d'heure pour acheter quelques besoins chez l'épicier le plus proche, j'allumai une lampe à pétrole et je préparai, sur le "Primus" à pétrole*, du poisson frit et une Chakchouka* piquante. Ce faisant, je ne cessais d'aller et venir entre la baraque et le rocher, tentant de découvrir un éventuel mouvement de surveillance.
Il me sembla que la femme allait inévitablement revenir. Alors je partageai mon repas sur deux assiettes, arrangeai une petite table de fortune et me mis à attendre qu'elle se pointât d'un moment à l'autre. Mais elle tarda à venir, et je dus commencer à manger tout seul avant que ne refroidisse le poisson. La nourriture avait le goût d'un vrai dernier repas. Je m'efforçai de m'en délecter.
Je fus rassasié et elle ne vint pas. Fatigué de marcher et de surveiller, désespéré de sa venue, je m'allongeai sur une natte et, soutenant ma tête avec mon bras je m'allongeai me laissant bercer par la musique des vagues et des cigales jusqu'à ce que je fusse emporté par le sommeil.
Je ne me souviens pas d'avoir couvert les restes du repas, ni même que j'avais trouvé dans la baraque une serviette qui pouvait servir à cet effet. Mais quand les rayons du soleil m'envahirent m'obligeant à ouvrir mes yeux, je trouvai toute la table couverte d'une serviette brodée, à la main, de fils de toutes les couleurs. Je retirai la serviette et constatai que l'assiette que j'avais laissée à la femme ne contenait plus de poisson. Toutes les tranches avaient été consommées, même la tête que je lui avais laissée par courtoisie avait été soigneusement mangée, expertement suçotée par une véritable enfant de lamer, une artiste au gout raffiné. Je recouvris la table et découvris, après observation, que la décoration sur la serviette représentait un message en calligraphie brodée et que ce message m'était adressé. J'y lus cette promesse : "A très bientôt, Hayet" !

*****

C'est ainsi que je connus son nom. Mais comment parvint-elle à entrer, de nuit, au verger à travers les haies puis les branches, à manger juste à côté de moi en suçotant les arêtes et la tête du poisson et à s'en aller comme elle arriva, sans me réveiller, moi qui avais toujours été de sommeil léger?
Et mon étonnement de décupler. La curiosité s'accapara de moi et je jugeai qu'il s'agissait là d'un profond secret qu'il m'était indispensable de découvrir, serait-ce au prix de l'ajournement, pour un moment, de mon projet de suicide.
Pendant toute la journée, j'attendis le retour de Hayet qui ne vint pas. J'attendis pendant des journées entières, pendant des semaines, mais sans résultat. Je décidai alors de mettre fin à mon travail dans l'enseignement pour réhabiliter l'héritage professionnel de mon grand père, me consacrant, à plein temps, à l'attente du retour de Hayet au "verger de la pêche". Je réparai la petite barque, retroussai mes manches et pris la mer pour en gagner exclusivement ma vie. J'en arrivai à déserter la vielle Médina pour m'installer, été comme hiver, dans la baraque d'Azizi. Je parvins même à convaincre ma mère d'accepter "le verger de la pêche" dans sa part de l'héritage de son père, sachant bien qu'il allait éminemment faire l'objet d'une décision d'expropriation pour cause d'utilité publique.
Et puis les années passèrent. Le "verger de la pêche" me fut retiré par la municipalité. Mes conditions m'imposèrent de déserter les Souanis et la ville toute entière pour réintégrer l'enseignement dans un village où je ne pouvais plus manger de poisson frais. De ma plume jaillirent, soudain, des textes en poésie et en prose. Et, dans l'oubli total de ma première amourette, je me trouvai en train de n'écrire que sur Hayet et pour Hayet. Pendant mes heures libres, je me perdais dans les cités à la chercher et à attendre qu'elle m'arrête à n'importe quel endroit et n'importe quel moment. J'étais prêt à la reconnaître dans n'importe quelle posture qu'elle choisirait pour se révéler à moi.
Mais Hayet ne tint jamais sa promesse et ne vint pas. Elle m'aurait totalement oublié. Quant à moi, fatigué d'une vie qui s'est prolongée pendant des années que je ne sais plus compter, je suis ennuyé de courir derrière le mirage de son retour pour me rencontrer. Il ne me reste plus dans ce corps de quoi supporter toutes ces douleurs qui me rongent.

*****

Il se tut pendant un long moment puis se mit à tousser n'arrivant à inspirer que péniblement. Les veines de son cou s'enflèrent, se tendirent et, s'agrippant à ma blouse de toute la force qui lui restait dans ses mains tremblantes, il me regarda avec des yeux écarquillés et tout en prières et me dit d'une voix saccadée :
- Je vous prie … ma fille … je vous conjure … aidez moi à réaliser mon projet…
Je le fixai des yeux en lui tenant les mains, lui demandant des explications sur le projet pour lequel il sollicitait mon aide. Mais il n'arriva à ajouter aucun mot. Il continua à tousser au point que le souffle en arriva à lui manquer totalement. Ses mais lâchèrent brusquement ma blouse pour s'agripper violemment à la couverture de son lit. Et c'est alors que je me rendis compte qu'il fallait lui remettre le masque à oxygène sur la bouche. Je ne sais comment je fus troublé au point de n'arriver à faire fonctionner l'appareil qu'après des efforts surhumains.



Je courus à la salle de contrôle et cherchai le numéro du médecin de garde, n'arrivant à le trouver qu'après avoir fouillé dans tous les registres. Comme le standardiste ne décrochait pas et que le médecin, lui-même, était sans doute endormi, je dus appeler de mon téléphone portable une dizaine de fois avant de l'avoir au bout du fil. Il n'arriva finalement que pour trouver son malade déjà mort.
Dieu accorde sa miséricorde à Am Ayache*. Il mourut célibataire sans avoir réalisé son projet.

Le Haikuteur – Monastir

Azizi : grand père – Les souanis : des vergers longeant la falaise de Monastir, loin de la vielle médina – Chlaka : sorte de sandales légers en matière plastique ou en cuir – Qirbech : sorte de corbeille en roseau pour porter les fruits – Chakchouka : plat populaire, une sorte de sauce aux tomates et au piment.
NB : Les noms "Hayet" et "Ayache" veulent littéralement dire "vie" et "vivant".