jeudi 10 avril 2008

Impasse de la littérature

Mon année sur les ailes du récit / texte 10 sur 53/ 11 avril 2008


Impasse de la littérature

Cette nouvelle est le fruit de mon imagination. Mon mari la lira et croira qu'elle est bien tissée par mon imagination et que toute ressemblance entre ses événements et la réalité n'est, de ma part, que pur mensonge sans queue ni tête.
Mon mari continuera de le croire, même après lecture des lignes ci-dessous où j'avouerai franchement l'inverse de ce que j'avance au début du premier paragraphe. Il le croira en affirmant que ce qui va suivre n'est qu'une autre preuve, écrite cette fois-ci, que je me sustente de l'illusion d'être à la fois totalement libre et absolument sincère, prétendant être, en cela et en d'innombrables autres détails, différente de toutes les autres femmes.
Mon mari continuera de le croire, bien qu'il n'y ait pas d'écrivaine au monde qui puisse empêcher les événements vécus dans la réalité d'émerger, consciemment ou inconsciemment, à la surface des événements qu'elle imagine. Ceci m'amène à avouer, très clairement et dès le début de mon texte, que je suis vaincue, comme le sont déjà tous ceux qui ont écrit avant moi, et que les événements de ma vie quotidienne se sont imposés, ici, comme principaux, tandis que les événements fictifs ont sombré aux fins fonds de la marge, devenant de la simple poudre jetée aux yeux.
Que ce texte soit donc pris, à la limite, comme autobiographique. Cela n'ajouterait ni ne retrancherait rien à la dose de sincérité qu'il contient. Et je ne serais nullement dérangée de reconnaître, avec toute la modestie et toute la sincérité des débutants, que moi, Fatha M'charraf, journaliste connue par tout un chacun et active dans les deux domaines de l'information et de la critique, sur la scène culturelle en général et littéraire en particulier… Je reconnais, ai-je donc dit, que je suis moi-même le personnage principal de ma nouvelle. Je suis en train d'écrire, aujourd'hui, pour la première fois, un texte, si j'ose dire, de création et ne suis pas prête à céder le premier rôle à quelqu'un d'autre que moi. Et ce, essentiellement, pour des raisons de principe et de déontologie.
C'est qu'en réalité je crois en la spécialisation. Je vois que l'écriture journalistique et critique est une profession qui a sa propre déontologie. Ce pour quoi il lui faudrait prendre une distance suffisante de l'écriture de création. Je crois aussi que le cumul de ces deux fonctions est de nature à mélanger les chèvres et les choux. Et cette croyance a failli m'empêcher de relater ce fait sous sa présente forme de narration littéraire.

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Mais il arrive, parfois, au journaliste d'être en face de vérités que ses lecteurs sont en droit de connaître, mais que lui n'a aucun droit d'écrire sous forme d'information journalistique classique, c'est-à-dire en en dévoilant la sources, le lieu, le temps et les noms des parties prenantes.
C'est la raison pour laquelle j'écris ce texte afin de relever le défi professionnel et porter cet événement à la connaissance des lecteurs. Pas avec l'intention de démasquer mon vis-à-vis représenté ici par le personnage de Mohamed El Fayek El Adeb, non ! Atteindre cet objectif ne mérite pas du tout que je m'expose aux soupçons, poussant, probablement, mon mari à douter de ma fidélité ; mais pour que les lecteurs sachent que les écrivains et autres grands penseurs, sont comme nous tous. Ils ont les faiblesses de tous les êtres humains et sont parfois plus hypocrites et plus lâches que les gens ordinaires. Simplement parce qu'ils sont plus soucieux de leurs apparences que le reste des gens.
Vous allez me dire qu'il n'y a aucun romancier dans le pays du nom de Mohamed El Fayek El Adeb. Bien sûr que ce nom n'existe pas dans la réalité ! Puisque c'est moi qui l'ai inventé pour protéger les intérêts d'une personnalité prestigieuse. Seulement, je vous garantie que, derrière ce nom se cache un vrai romancier avec lequel il m'est réellement arrivé ce que je relate ici.

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Je disais donc que l'homme vit réellement parmi nous. Il est prestigieux, il serait même de la high society. Il serait marié à une femme polie, attirante et cultivée. Sa femme serait même plus jeune que moi et, peut être, plus belle. C'est ce que je peux dire ici, juste pour brouiller les cartes et éviter que quelqu'un le reconnaisse. Mais ce qui est certain, c'est que tout connaisseur neutre qui analyserait sa personnalité de loin, vous dirait qu'il s'agirait d'un homme marié, vivant son couple comme une simple relation sociale vide de toute composante affective et n'ayant pas le courage de refaire sa vie, ou bien d'un célibataire en chasteté pour une raison qu'il est seul à connaitre.
Tout ceci n'a pas d'importance. Plus importantes que les informations relatives à la personne de Mohamed El Fayek El Adeb, les caractéristiques de sa littérature. Je veux parler ici de ses sujets qui épousent les inquiétudes et les aspirations de notre société, de son engagement sincère en faveur des causes des gens simples et de sa foi inébranlable en la justesse de ces causes dont il se fait l'infatigable défenseur. Je veux aussi parler de la profondeur de ses analyses qui ont fini par convaincre les plus sceptiques que nous sommes en présence d'un savant qui a si bien exploré l'âme humaine, si profondément étudié les mécanismes de la vie en société, qu'il lui serait impossible de ne pas vivre heureux.
Ainsi en est-il du contenu de sa littérature. Quant à sa forme, je me contenterais de dire que la solidité de la construction du récit chez Mohamed El Fayek El Adeb, la pureté de la langue et la beauté du style qui caractérisent ses textes, empêcheraient le lecteur qui ouvrirait l'un de ses romans de s'arrêter de le lire avant d'en arriver à la fin. Et ma reconnaissance de ces qualités à notre écrivain ne date pas d'aujourd'hui. C'est que j'ai écrit plusieurs articles sur ses romans où j'ai exprimé cette même opinion, convaincue que je suis que ce genre de littérature constitue un vrai soutien au développement du pays et un outil efficace de conscientisation et de mobilisation de ses enfants.
J'avais, donc, visé juste, quand j'ai pronostiqué, plus d'une semaine avant qu'on l'annonce officiellement, l'attribution du grand prix national à Mohamed El Fayek El Adab. J'avais ainsi convaincu mon directeur de consacrer à cet écrivain l'interview du mois qui s'étale sur les deux pages centrales de notre journal. Et j'avais parié sur la publication de cette interview le matin même de la conférence de presse tenue pour annoncer l'attribution du prix à notre écrivain.
Je me souviens que le président du jury avait rencontré, ce jour là, de grandes difficultés à convaincre les confrères journalistes qui l'accusaient de privilégier notre journal aux dépends de tous les autres moyens d'information, que la parution de mon interview le jour même, voulait simplement dire que j'avais un flair journalistique exceptionnel.

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Je ne tiens pas à rapporter tous les éloges que j'ai reçus, ce jour là, pour mes qualités professionnelles. Je risquerais ainsi de fournir une autre preuve à mon mari qui m'accuse de tirer vanité de mon excellence par rapport aussi bien à mes confrères qu'a mes consœurs. Aussi passerais-je de suite à l'événement principal de ma nouvelle.
C'est un événement tout simple, mais il serait opportun, pour mieux le relater, de vous donner, d'abord, ce petit exemple :
Soit un enfant devant lequel vous ouvrez une boite de friandises pour en manger quelques morceaux. L'enfant regarde spontanément la boite, avec l'envie des enfants et leur timidité. Vous vous en rendez compte et lui présentez la boite pour qu'il en prenne un morceau. Mais il commence par prétendre qu'il n'a pas faim et qu'il n'en a pas envie. Vous continuez à manger et lui à vous regarder avec la même envie. Quand vous lui dites que vous comprenez son envie parce qu'elle est tout à fait naturelle et que vous ne voyez aucun inconvénient à lui donner le morceau de son choix, voire que vous seriez vraiment contents qu'il partage avec vous ce que contient votre boite, l'enfant va finir par arrêter son entêtement, se rétracter et accepter de manger comme s'il n'avait jamais refusé.
Remarquez que, dans cet exemple, l'enfant n'est pas embarrassé par ce qu'il dit au point de nier définitivement la vérité, se privant de l'objet de son désir. Quant aux notables de notre société, comme notre écrivain, un seul mot prononcé les implique, les poussant à persister sur la voie du faux. C'est qu'ils sont, simplement, trop lâches pour reconnaître la vérité de leur faiblesse humaine et se rétracter comme se rétractent les gens ordinaires, saisissant l'occasion qui se présente pour réaliser un caprice. Pire, il leur arrive généralement de se priver ainsi de la réalisation des plus légitimes de leurs aspirations.
Eh bien c'est ce dont j'ai pu avoir la preuve le jour de la réalisation de l'interview avec le grand romancier Mahamed El Fayek El Adeb. Je ne sais si, ce jour là, il savait déjà quelque chose à propos de la décision du jury de lui attribuer le prix ; mais quand il me vit faire le lien entre la réalisation de cet entretien et l'imminence de l'annonce du nom du lauréat, il me dit, avant d'entamer sa réponse à ma première question :
- Fatha, tu as le plus beau nez journalistique du pays… il flaire les événements avant qu'ils n'arrivent.
Toute mon attention était concentrée, à cet instant, sur la façon de poser mes questions avec assez de clarté, et d'y insuffler, tantôt un élément provocateur, tantôt un semblant de manque d'information. Ce qui devait le maintenir dans la position de celui qui doit toujours apporter des clarifications ou fournir des arguments pour sa défense. Position dans laquelle je fais tout pour maintenir mon interlocuteur afin d'en tirer les informations les plus abondantes et les réponses les plus sincères. Mais son allusion à la beauté de mon "nez journalistique" ne pouvait que provoquer en moi la femelle.
Je relevai la tête pour le regarder directement dans les yeux ; mais il poursuivit son discours sans que n'apparaisse sur son visage qu'il voulait dire par "beauté du nez" autre chose que le sens de l'odorat, communément donné pour synonyme de flair journalistique. Mais comme mon nez constituait aussi, de l'avis des dizaines d'hommes qui m'ont fait la cour, un élément de ma beauté physique, je restai sur le qui-vive cherchant à intercepter tous les sens qui se cacheraient derrière l'énoncé apparent des expressions de notre écrivain.
Et il m'apparut rapidement, sans plus aucun doute, que Mohamed El Fayek El Adeb était un homme d'une formidable timidité, même si cela ne se voyait pas toujours. Il envoyait dans tout ce qu'il disait en marge de ses réponses, des messages galants qu'il enveloppait dans un brouillard assez épais pour lui permettre de se rétracter tout de suite, accusant son interlocutrice de mauvaise interprétation.

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Notre entretien dura un peu plus de deux heures, durant lesquelles Je ne cessais d'ouvrir des parenthèses l'encourageant à s'impliquer davantage par ce qu'il disait et feignant d'être trop bête pour comprendre de son discours plus que le sens apparent. Je croyais ainsi l'encourager à accomplir le pas décisif qui dévoilerait ses intentions réelles. Mais la rencontre prit fin sans qu'il ne m'avoue quoi que ce soit.
Avant de m'accompagner à la sortie, il m'envoya encore un signe galant à peine plus clair que ceux dont il m'avait inondée durant toute l'interview, mais toujours aussi enveloppé dans ce fameux brouillard lui permettant de nier. Il revint au sujet de la vraisemblance dans la construction des personnages pour me dire :
- Je ne peux pas, à titre d'exemple, construire le personnage d'une femme aussi belle que vous - je dis bien par exemple - puis faire en sorte que son mari supporte de rester plus d'une ou deux semaines au maximum, sans l'approcher. A moins qu'il ne soit souffrant d'incapacité ou amoureux d'une autre…
Tout le monde sait que je suis une femme libre pour ce qui est de ma tenue vestimentaire. Ce jour là, ma robe mettait bien en évidence ma poitrine, découvrant deux collines émergeant légèrement de mon soutien-gorge, sur lesquelles le regard de Mohamed El Fayek El Adeb était braqué tout au long de l'entretien.
Quand je l'entendis me faire la cour de cette manière embrumée, je fis semblant d'être occupée à noter une dernière observation sur mon calepin. Je cherchais, en fait, à faire durer le plaisir que me procurait son regard massant doucement ma poitrine. Et soudain je rompis le silence pour lui dire d'une voix à peine audible :
- Une question, si vous permettez, hors du contexte journalistique : Si un jour vous, Mohamed El Fayek El Adeb, rencontriez "Nouar" sur les chemins de cette vie réelle, dans son bureau ou dans n'importe quel espace clos comme celui où nous nous trouvons maintenant, et si elle vous faisait la même proposition qu'elle fit à "Azer", et que personne ne vous réveillait de votre rêve pour que la scène ne prenne fin qu'avec une réponse claire de votre part, quelle serait cette réponse ?
Ma question était très embarrassante pour un timide qui serait dans sa position. Mais Mohamed El Fayek El Adeb, enveloppe sa timidité dans une épaisse carapace faite de pondération et de prestige. Aussi, quand je levai brusquement la tête pour le regarder directement dans les yeux, il esquissa un sourire tout ce qu'il y avait de plus calme et de plus innocent et me dit :
- Non, non, non … faites attention à la confusion… Il n'y a absolument aucun rapport entre Mohamed El Fayek El Adeb et "Nouar"… Car j'ai érigé, entre ma vie réelle et ce que j'écris dans mes romans, un mur de séparation épais. Ne croyez donc pas que j'écris parce que je ressens réellement la même privation et la même frustration ressentie par "Azer" le jour où il vit "Nouar" dans son rêve, qu'elle l'embarrassa avec sa franchise et qu'il se réveilla avant de savoir s'il allait avoir l'audace d'accepter sa proposition.
*****
S'il y avait, à ma place, une autre femme admirant autant que moi Mohamed El Fayek El Adeb, l'écrivain, l'être humain, mais aussi l'Homme dont le charme capturait les cœurs de toutes les femmes, elle aurait été gagnée autant par le regret d'avoir posé sa question que par la colère que provoquait cette réponse. Mais moi, j'étais certaine que l'homme souffrait d'une timidité maladive et méritait bien qu'apparaisse dans sa vie une femme comme "Nouar", qui lui accorderait toute sa chance et patienterait le temps qu'il réfléchisse et se débarrasse complètement de sa timidité, exactement comme dans l'exemple de notre enfant et de la boit e de friandises.
Et comme je suis différente de toutes les femmes, libérée de la mentalité qui dicte à la femme de se contenter de l'effet de son charme sur les hommes et de se tenir sur la colline à attendre toujours celui qui fournirait l'effort de lui faire clairement la cour … comme je suis très admirative du personnage d "Nouar" dans le roman de Mohamed El Fayek El Adeb, au point d'apprendre par cœur ce qu'elle avait dit à "Azer" dans son rêve, j'ai tenu à précéder notre écrivain à la porte de son bureau.
Encore une fois, Je sentis son regard braqué sur moi me transmettant tout son désir. Ses yeux me faisaient l'effet d'une bouche enfiévrée qui, dans un silence timide, couvrait mon cou de baisers. Quand il tenta de me dépasser pour ouvrir la porte, je me tournai brusquement, pour le regarder droit dans les yeux. La poitrine bien en évidence, je m'adossai à la porte laissant entre la serrure et ma taille suffisamment d'espace pour lui permettre de glisser sa main derrière moi et de me serrer contre lui, s'il le voulait. Puis je lui lançai, d'un seul jet, la tirade de "Nouar" à l'adresse de "Azer", après l'avoir adaptée à notre propre situation :
- Ecoute bien, fayek, ce que te dit Fatha M'charraf… Nous sommes seuls ici et cette chance est la dernière que je t'accorde pour vaincre ta timidité et te comporter comme te le dicte ton envie… Je suis une femme honorable dans tous les sens que peut avoir le mot honneur… Mariée, je n'ai jamais trompé mon mari. Mais je comprends parfaitement ton admiration et le désir qui te brule pour moi. Et je reconnais qu'en vérité, je partage ton admiration et ton désir. Voici donc que je te tends mes lèvres à embrasser comme tu le désires et tout mon corps à serrer comme tu le veux. Je vais fermer les yeux et compter jusqu'à vingt. Si tu hésitais encore je partirais d'ici sans espoir de retour.
Et puis je fermai les yeux, entrouvris légèrement les lèvres, et les lui offris après les avoir humidifiées en y passant lentement ma langue. Silencieusement, je commençai à faire signe de ma main pour montrer que je comptais sur les doigts. Mais Mohamed El Fayek El Adeb fit vite de me répondre, refusant le principe même d'attendre la fin du décompte :
- Ouvrez donc vos yeux je vous prie. Vous savez bien que je soutiens par principe le droit de la femme à exprimer son désir en toute liberté à l'homme dont elle a envie. Vous savez aussi que je n'ai aucun jugement à porter sur la fidélité ou non d'une femme à son mari. Je saisis donc cette occasion pour vous dire à quel point je respecte votre beauté digne de l'admiration de tous les hommes et saluer l'audace dont vous faites preuve en m'invitant aussi franchement à partager votre envie. Mais, encore une fois, veuillez croire que j'ai pour ce genre de questions un cadre social personnel dont les secrets ne vous intéressent aucunement et que je ne pense jamais transgresser ailleurs que dans l'impasse de la littérature. Et, pour moi, cette impasse de la littérature est sacrée et strictement réservée à mes personnages de fictions. Aucune personne réelle n'est donc autorisée à la franchir pour atteindre un quelconque espace de la vie réelle.
Je mis fin au comptage, ouvris mes yeux et attendis qu'il ait terminé son discours. Puis j'affichai le sourire d'un examinateur satisfait de la réponse de son élève et lui lançai :
- Merci et encore bravo… J'étais certaine de vos qualités morales qui vous distinguent de tous les autres écrivains et artistes qui sont la plupart du temps esclaves de leurs envies. Et c'est la raison pour laquelle j'ai osé faire cette expérience et la mener jusqu'à ce point. Je ne vous cache pas que j'ai eu un peu peur de vous mettre dans cette situation de confrontation avec l'un de vos personnages féminins les plus audacieux, vous tenant des propos dont vous êtes l'auteur.
Nous nous étions compris. Nous avions ri et convenu, en nous serrant les mains, de nous téléphoner le jour de la parution de l'interview dans le journal, faisant table rase sur tout ce qui, en dehors du cadre professionnel, venait de se passer entre nous.

Et puis la porte se referma entre Mohamed El Fayek El Adeb et moi. Je sentis, en descendant les escaliers que je l'avais laissé à son remord. Car jétais certaine qu'en réalité il me désirait encore.
En sortant de l'immeuble, je me trouvai dans un parc où se dressait un palmier qui sembla m'appeler. Je m'arrêtai à son pied pour le contempler et m'aperçus d'un lierre tendrement vert qui grimpait le long du tronc. La relation entre ces deux êtres me renvoya aussitôt à celle entre un romancier et une journaliste. Mais je ne savais si c'était lui le palmier et moi le lierre qui grimpait le long du tronc, dès que mes feuilles approchaient ses palmes il se dressait davantage pour que je n'arrive jamais à l'atteindre, ou si j'étais, moi, le palmier et lui le lierre, dès que l'une de ses branches s'allonge assez pour toucher mes palmes, il la repliait pour l'orienter vers le sol.
Je levai mes yeux et sentis le regard de Mahamed El Fayek El Adeb qui accompagnait du haut de sa fenêtre ouverte, ma traversée du parc. On aurait dit une caméra en plongée qui faisait semblant de seulement saluer mon départ, mais qui continuait en fait de caresser mon cou avec le même désir.
Si lui avait des regrets, je ne nie pas que, de mon coté, j'en avais tout autant. Car je m'étais contentée d'une attitude attentiste. Pourquoi avais-je fermé les yeux et attendu qu'il prenne l'initiative de m'embrasser ? Pourquoi n'avais-je pas foncé sur ses lèvres qui étaient à la portée des miennes pour le mettre devant le fait accompli ?
Combien de temps me faudrait-il encore pour vaincre en moi la passivité des femmes ?

Le Haikuteur - Tunis

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bien revue la photo du lierre c'est nettement mieux !
je suis en train de faire des essais avec mon nouveu boitier ... une vraie " usine à gaz" !!! Génial !