jeudi 18 décembre 2008

La Boussole de Sidinna / 12 Ghédir El Maïze

Mon année sur les ailes du récit (42/53) La Boussole de Sidinna (12/23) – 19 décembre 2008

Chemin second :

Des silex sur les dunes

Orientation quatrième :

Ghédir El Maïze

" Le rapport de ceci avec le réel est pure imagination" – Le Haïkuteur

Voici la traduction d'un document puisé dans le dossier de l'accusé Mohamed Lamjed Ben Habib Ben Bahri Brikcha. Le document original est une coupure de presse fournie par Maître Ch. B. M., avocate de l'accusé. Elle avait découpé l'article en raison du lien évident qu'il avait avec l'affaire de son client. Paru en date du …… dans les pages "faits divers" du journal "….", un hebdomadaire de la place, cet article s'intitulait : "Une camionnette volée dévoile un réseau de débauche et mène à la découverte d'une tuerie horrible dans un point d'eau collinaire près du paisible village de Toujane."


Au paisible village de Toujane, au sud du pays, le sujet privilégié de discussion, ces jours-ci, n'est autre que la découverte de deux cadavres par une brigade de la garde nationale, dans un lieu isolé de cette zone collinaire située à sept kilomètres environ du village et plus précisément dans un cours d'eau saisonnier d'une source, jusqu'ici inconnue, que certains appellent "Ghédir El Maïze".
Au commencement, le poste de la garde nationale en charge de la zone en question reçoit une indication de la part de citoyens, attirant l'attention sur la présence, non loin de la route principale, dans un endroit où il n'y a aucune construction ni habitant, d'une vieille camionnette 404 bâchée, série Tu 30. Le véhicule en question n'ayant pas été déplacé durant trois jours, les habitués du chemin ont commencé à avoir des doutes.

Volée, la camionnette

Sans délais, une brigade a été chargée d'une mission d'exploration. Elle s'est rendue sur les lieux où les agents ont trouvé la camionnette abandonnée. Ils ont commencé à l'examiner minutieusement et ont découvert que sa benne était chargée d'outils servant apparemment à l'organisation d'un camping. Les contacts préliminaires avec les services spécialisés ont fait naître le doute à propos de la plaque d'immatriculation de la camionnette qu'ils supposaient falsifiée.


Après obtention des autorisations d'usage, les agents ont défoncé la portière de la camionnette dont le numéro d'immatriculation s'est avéré sans rapport avec le numéro du châssis. La camionnette était effectivement volée. Il y a plus de six mois, son propriétaire avait porté plainte contre X, déclarant que sa camionnette lui avait été subtilisée en plein jour, au cœur même de son exploitation agricole dans l'une des oasis de Douz.
A l'intérieur de la camionnette, les agents allaient découvrir beaucoup d'indices, à même de leur permettre de résoudre l'énigme de cette affaire complexe. Ont été trouvés dans la voiture, en effet, les papiers de celle-ci qui, depuis la carte grise à la visite technique en passant par l'attestation d'assurance, étaient tous falsifiés. Un petit sac à dos a aussi été trouvé. Il y avait du linge sale et un portefeuille contenant une petite somme d'argent ainsi qu'une carte d'identité authentique appartenant à un jeune homme originaire du Sahel. Deux mois plus tôt, le jeune homme en question avait été porté disparu dans le naufrage du bateau de "brûleurs" au large des côtes de La Chebba.

fil conducteur et charge suspecte

Sous le siège du conducteur, les agents ont trouvé un cartable cadenassé dans lequel était caché un nombre considérable de cartes d'identité, de permis de conduire et de chéquiers, tous des faux. La découverte de ce cartable allait constituer la première clé de l'énigme. En l'ouvrant, les agents y avaient trouvé le fil conducteur leur permettant de relier tous les éléments constitutifs de l'affaire. L'examen des cartes d'identité falsifiées a permis d'en distinguer deux sortes : celles dont les originaux étaient tunisiens et celles qui étaient falsifiées à partir de documents fournis par un pays frère. Ce qui démontrait que les activités des utilisateurs de ces documents couvraient les deux pays voisins, au niveau de leurs côtes sud-méditerranéennes.


Pour ce qui est des bénéficiaires de cette falsification, il s'est avéré qu'ils étaient principalement au nombre de deux : un jeune homme et une jeune fille, tous deux âgés de moins de trente ans et dont les photos paraissent sur les documents avec des identités différentes et des nationalités tantôt tunisienne et tantôt celle d'un pays frère. Recherches faites, les deux malfaiteurs étaient recherchés. Ils font l'objet d'un mandat d'arrêt émanant des autorités régionales de Sfax, pour leur implication dans une affaire de réseaux de débauche et de trafic de drogue.
La benne de la camionnette a fourni, elle aussi, des informations fort intéressantes pour les enquêteurs. L'inspection de sa charge a démontré qu'elle était effectivement destinée à l'organisation de campings plutôt intrigants. Il s'y est touvé, en effet, des structures métalliques, des bâches, des lits de camp ainsi que des couvertures, des tapis, des ustensiles de cuisine et différents couverts. Mais ce qui a confirmé les doutes et orienté les recherches vers la piste appropriée, c'est la présence de meubles du genre utilisé dans les salons de massage thérapeutique, en plus d'une panoplie de tenues de danse érotique, de pommades de massage et de produits de beauté.
La brigade a aussi trouvé, dans le chargeent de la camionnette, des appareils d'enregistrement et de lecture vidéo avec des DVDs, dont le contenu variait entre musique de Mezoued et films pornographiques. Deux bidons en matière plastique ont aussi été trouvés, contenant un vin populaire à base de Legmi vieilli, communément appelé "Qichem" dans les oasis du Sud.
"Le recoupement entre ces différents éléments découverts a permis aux enquêteurs de délimiter le champ d'investigations et de faire le lien entre la camionnette volée et une bande de malfaiteurs, autour de laquelle l'étau a déjà commencé à se resserrer", indique notre source.

Visage défiguré et balle au crâne

Aussi, les agents de la brigade se sont-ils rendu compte que ce chargement suspect ne pouvait être ainsi abandonné, à proximité de la voie publique, sans raison hautement contraignante. Aussi ont-ils décidé de résoudre cette énigme au plus vite. Ils ont appelé en renfort des éléments de la cavalerie pour les aider dans leurs recherches et se sont dispersés dans les montagnes environnantes. Leurs efforts allaient vite être couronnés de succès. A l'arrivée des agents de la garde nationale à un point d'eau saisonnier, se trouvant à environ trois kilomètres de la route principale, l'affaire a fini par leur livrer son horrible secret.
Le point d'eau "Ghédir El Maïze" (flaque des chèvres) était jusque là inconnu. Il se trouve au pied d'une chaine de montagnes. Il est entouré de très hauts rochers. Son eau sourd des fissures de ces rochers polis par l'écoulement, puis tombe goutte à goutte dans une sorte de bassin naturel peu profond. Une clairière peu spacieuse et tout à fait inhospitalière, à laquelle les agents de la brigade ont pu accéder par un passage étroit entre deux rochers. Ce fut une surprise horrifiante : deux cadavres gisaient qui commençaient à dégager des odeurs nauséabondes. Le premier était celui d'un mâle totalement nu. Etalé sur le dos à même la pierre, le tueur lui ayant porté des dizaines de coups de couteaux profonds au niveau du cœur, du cou et du bas ventre.


Mais le criminel ne s'était pas contenté de tuer sa victime. Il lui avait coupé les organes génitaux que les agents ont retrouvés, plus loin, accrochés aux fissures d'où sourdait l'eau de la flaque. Il l'avait aussi défiguré, profanant délibérément le corps, avec une sauvagerie qui fait honte à l'humanité. Toute sa peau avait, en effet, été enlevée, afin d'en effacer tous les traits. Même les bouts des doigts avaient été coupés afin d'empêcher l'identification du cadavre par les autorités.
Quant au second cadavre, il s'agissait aussi d'un homme. Mais ce dernier était dans le bassin où il flottait tout habillé. La mort de cette seconde victime avait été causée, selon nos sources, par un tir de fusil du haut d'un rocher surplombant la clairière. La balle s'était logée à l'arrière du crâne.

Assassin tu n'iras pas loin

Si, pour l'explication de ce crime odieux, l'ambigüité ouvrait la porte à de multiples hypothèses, les enquêteurs en privilégiaient deux :
La première présentait le tireur qui se trouvait en haut du rocher comme étant le tueur des deux victimes. Dans ce cas, la seconde personne serait arrivée sur les lieux après que l'assassin eut terminé son premier forfait. Le nouvel arrivant ayant découvert le cadavre et reconnu son assassin, ce dernier n'aurait pas hésité à lui tirer dessus, afin d'étouffer la voix d'un témoin oculaire.
La seconde hypothèse présentait la seconde victime comme étant l'assassin de la première. Dans ce cas, son tueur serait une tierce personne qui les connaitrait toutes les deux et qui aurait attendu, avec sang froid, que le premier forfait soit achevé, pour trahir celui qui l'avait commis en lui tirant dessus du haut de son rocher.
Quant à la relation entre les parties prenantes de ce crime et la camionnette volée, nos sources se refusent, pour le moment, à dévoiler la moindre information, afin de garder intactes toutes les chances d'arrêter le tireur de la montagne. Toutefois, certains indices nous permettent déjà de penser que l'une des deux victimes serait le propriétaire du sac à dos trouvé dans la camionnette et l'autre celui dont la photo figurerait sur les documents falsifiés. Mais il nous faudra, pour en être certains, attendre la fin des investigations ainsi que les résultats des analyses génétiques qui ne manqueront pas d'être effectuées.
L'assassin, qui a tenté de gommer les traits de sa victime et de faire disparaître les bouts de ses doigts, aurait-il oublié que les empreintes digitales ne sont plus l'unique moyen de démasquer les criminels de son espèce ? S'il avait pu échapper à la justice, ce n'atait que momentanément. Les techniques d'investigations s'étant développées, l'identification du cadavre défiguré ne tardera pas à mener au criminel. Car les agents de l'ordre n'auront de cesse de le traquer jusqu'à l'arrêter pour le présenter à la justice qui se chargera de lui faire payer cher ses actes odieux. Notre dicton populaire ne dit-il pas : "assassin tu n'iras pas loin" ?



Votre journal au cœur de l'événement

Ainsi prennent fin les informations à nous communiquées par nos sources sûres. Nous resterons, évidemment, en contact avec elles pendant qu'elles continuent à mener l'enquête, afin de fournir à nos fidèles lecteurs les résultats obtenus, au fur et à mesure qu'ils nous parviennent. Mais la gravité de cette affaire, sa complexité, l'assassin qui court toujours à l'heure où nous mettons sous presse, ainsi que l'intérêt que porte l'opinion publique à cette affaire, nous interpellent et requièrent de nous des efforts particuliers. Aussi, votre journal se trouve-t-il déjà, comme à son habitude, au cœur de l'événement. A l'heure où vous lisez ces quelques lignes, notre envoyé spécial se trouve sur les lieux pour un reportage, dans lequel il recueillera les différentes réactions des citoyens de la région à ce crime odieux. Attendez donc notre prochaine édition, vous y trouverez un spécial de deux pages avec des photos et des témoignages inédits. Affaire à suivre.

Le Haïkuteur …/… à suivre

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