vendredi 25 juillet 2008

Am Idriss à Web Shakhsoon (3 de 3)

Mon année sur les ailes du récit / texte 23c sur 53/ 25 juillet 2008

Am Idriss à Web Shakhsoon

Essai de narration critique (3 de 3)
Acte sixième : Ouverture de voies

L'audience aurait pu être levée avec le retrait de la plainte en cours de procès. Mais Oummi Sissi avait objecté que cet arrêt brusque était préjudiciable pour deux raisons : La première était que le rétablissement de Sali du choc subi suite à la rupture du contact avec son cerveau n'était possible qu'avec l'acheminement de ce procès vers une fin naturelle, après achèvement des plaidoiries et prononciation du verdict. Et la seconde était que ce qui venait d'être dit devant la cour comportait une diffamation à l’encontre de son client et qu'il était injuste d'arrêter le procès sans y répondre pour réhabiliter l'accusé. Il 'était donc nécessaire de poursuivre l'examen de l'affaire et de redonner la parole à Oummi Sissi qui déclara :
- Monsieur le président, l'acte d'accusation insinuait que seule l'écriture politique constituait le domaine de mon client et qu'il n'avait pas de légitimité pour pratiquer l'écriture littéraire. Et comme les rumeurs avancent que la scène est occupée par des intrus, que la Cour ait la patience de vérifier si cette accusation s'applique à mon client ; ce qu’elle ne pourra faire sans que je ne lui lise quelques extraits de ses récits.


Et Oummi Sissi de lire, au hasard dans divers livres de Rachid Idriss, de longs paragraphes qui retinrent l'attention de l’assistance et auxquels les personnages étrangers à "Web-Shakhsoon" applaudirent longuement (lire quelques extraits en arabe sur cette adresse :
http://alhakawaty.blogspot.com/2008/07/blog-post_24.html). Puis elle me regarda et dit :
- Ecoutez, monsieur le Juge, ces extraits et jugez en ! Remarquez cette phrase courte, cette langue pure et la minutie de la description. Constatez cette capacité à retenir le lecteur et à sonder les profondeurs de l'état psychologique des personnages. Penchez-vous sur ces textes et observez honnêtement la richesse de l'imagination, la souplesse de la transition entre le réel, comme il ne peut être décrit que par un observateur expérimenté, l'information exacte, comme ne peut la donner qu'un témoin sincère ou un chercheur chevronné et le rêve, comme ne peut y plonger que celui dont l'enfance continue de remplir l'âme de pureté et de cette aptitude à s'émerveiller et à émerveiller.
Si telles ne sont pas les caractéristiques de l'écriture littéraire, ou si ce genre de phrases est intrus à la narration, alors qu'est ce que le style littéraire et comment serait la phrase narrative ? Mais si vous reconnaissiez que cette écriture est littéraire, l'honnêteté et l'humilité scientifique n'imposent-elles pas de se demander si ce reniement qu'observe l'auteur à l'égard des règles et techniques de la narration telles que fixées par les théoriciens occidentaux, et aujourd'hui, partout admises, n'est pas un choix de sa part et une tentative de construction d'un style personnel qu'on pourrait louer ou condamner, mais qui mériterait, dans tous les cas, de retenir notre attention et d'être médité et considéré ?
Le véritable écrivain n'est il pas celui qui ouvre pour sa création une voie personnelle à partir de ses convictions, de son appartenance à sa culture et de ses éclats de sagesse et de folie ? Ou n’est considéré écrivain que celui qui écrit en se contentant d'entretenir son image dans les journaux, celui qui méprise la lecture de livres et s'interdit d'approfondir la réflexion sur une question, de chercher les origines d'un terme dans les dictionnaires ou de remonter aux racines d'une affaire en fouillant dans les dossiers classés ?
Il était nécessaire que j'intervienne pour demander à Oummi Sissi de résumer et de se contenter de répondre aux accusations. Aussi lui demandai-je :
- Pourriez-vous répondre à ce point concernant le narrateur/dictateur. Celui qui impose à ses personnages de se figer pour lui laisser le temps de donner une leçon d'histoire, un témoignage sur une manifestation à laquelle il avait assisté ou une analyse scientifique de la musique de Beethoven ?
- Monsieur le président, rétorqua-t-elle, c'est là que résident les fondements mêmes du conte dans nos traditions. Cet auteur appartient à un environnement où on ne raconte pas une histoire du début à la fin sans s'arrêter ou être interrompu. Et c'est là la sagesse de notre société qui faisait de nos assemblées familiales autour d'un conteur, d'abord et essentiellement une occasion d'apprendre la vie et de se cultiver. Le conte principal, aussi bien dans notre patrimoine que dans la narration de Rachid Idriss, n'est rien qu'un prétexte. Le Fdaoui (conteur) était un instituteur qui faisait appel à un héros pour le conduire là où se trouvait un savoir à transmettre à ses auditeurs, par le biais de la narration. Et c'est là toute la science de Rachid Idriss que les techniques de la narration occidentale n'intéressent pas autant que d'être, en tant qu'écrivain, témoin de son temps, utilisant pour cela la fiction, exactement comme il a utilisé ses mémoires personnelles ou ses études diplomatiques.
Notre homme écrit en pensant. Mieux, il écrit en attendant de profiter de la première occasion pour donner une information historique, présenter un grand nom du mouvement national, de la scène littéraire et scientifique de son époque ou même de ceux qu'il avait connu à travers ses lectures, ou bien pour expliquer un mot, faire l'exégèse d'un verset coranique, exprimer une opinion sur une affaire ou apporter un témoignage sur un événement auquel il a assisté.
Peut-être Rachid Idriss nous dit-il indirectement que les histoires, toutes les histoires, ne sont pas intéressantes pour elles-mêmes, mais pour ce dont l'auditeur / le lecteur peut accumuler comme connaissances, ce dont il peut tirer de leçons et pour ce que le conteur / l'auteur peut exploiter de ces événements pour glisser du divertissement par le conte vers la culture, en alternant ces deux fonctions tout au long de son récit.
Cette option pourrait plaire à certains lecteurs et déplaire à d'autres. Mais c'est une démarche qui appelle méditation. Et il est tout naturel que s'y opposent les auteurs qui ne veulent pas se fatiguer à chercher ou à se cultiver ainsi que ceux qui tendent aux personnages de fiction des pièges pour leur dicter, à travers les boutons d'espionnage, de quoi offenser leurs auteurs…


C'est ici que je coupai la parole à Oummi Sissi, la priant de ne plus revenir sur cette question. Et, pour demeurer neutre et garantir l'équilibre du procès, je lui dis :
- parmi les opposants à cette méthode pourraient se trouver des auteurs capables de se concentrer sur leurs sujets au point d'élever leurs textes, en eux-mêmes, au rang de culture et de pensée. Et cela est hautement littéraire.
Oummi Sissi me répondit du tic au tac :
- Mais vous parlez là d'une littérature dont les trottoirs de la rue Zarqoun ne regorgent point, que je sache ! Une littérature qui fait plutôt l'exception et dont les normes ne s'appliquent pas à tout ce qui s'écrit.
Je lui demandai de réagir à la question de l'encombrement des personnages par un bagage culturel que la nature de leur construction ne peut admettre. Tel ce simple ouvrier qui parle de musées comme un critique d'art et de la littérature comme un écrivain et qui ne peut échapper, quelle que soit sa nationalité, à une escale à Beb-Souika et à un passage par le même Koutteb qui avait vu passer Rachid Idriss ou à l'obligation de s'asseoir comme étudiant sur les nattes de la Zitouna ou sur les bancs du collège Sadéki comme l'avait fait Rachid Idriss. Mais Oummi Sissi esquissa un sourire et ne répondit pas. Ce qui m'amena à lui dire que son silence valait reconnaissance que seul Dieu est parfait. Et là elle répondit de suite :
- Mais qui a dit que Rachid Idriss se croyait parfait ? Je suis obligée de présenter, rapidement, quelques citations à ce sujet. Dans "Âm Saïd à Beb-Souika", en page 95, Rachid Idriss écrit "…Mais je me contente d'écrire et de déposer ce que j'écris parmi ce qui a été écrit avant et ce qui sera écrit après, ne prétendant pas atteindre l'excellence. Et jadis on avait dit "heureux qui sait garder son rang". Voyez monsieur le Président si cet exemple d'humilité intellectuelle court les rues de la scène qui…
J'interrompis Oummi Sissi, lui demandant une réaction rapide à la question de l'artifice qu'il y aurait à construire des personnages en référence à des personnes réelles alors qu'il pouvait bien en faire des personnages indépendants ; surtout que l'accusé fait preuve d'une capacité extraordinaire à planer dans le monde de l'imaginaire. Elle me rétorqua que la réponse était entre les lignes de ses livres, choisissant une citation de "Sali en fuite" (p11) dans laquelle il dit : "ce récit puisé dans un réel historique et exposé sous forme de conceptions et de surprises dictées par l'imagination, attire l'attention sur la possibilité de s'inspirer du patrimoine national et surtout des événements du Mouvement National et de ses anecdotes, pour la composition de romans saisissants…". Puis elle ajouta :
- C'est un choix, monsieur le président. Partir de personnages réels ou imaginés est tout à fait secondaire dans la littérature. Ce qu'a fait Rachid Idriss pourrait être considéré comme une preuve d'humilité intellectuelle. L'écrivain qui invente un personnage, un sujet ou un événement, crée-t-il réellement quelque chose ? Telle est la question ! N'est-il pas honnête de reconnaître que personne ne peut apporter du neuf, que tous les sujets ont déjà été traités, que tous les genres de personnages existent dans le réel ou ont été créés par les anciens depuis longtemps et qu'il n'y a de différence entre récent et ancien que dans le style, l'angle de vision et la façon de dire ou de formuler les choses ? Observons bien ces propos du récit "Âm Saïd à Beb-Souika" (p95): "Et, peut-être, ce récit participerait-il à la littérature narrative, en y apportant ce que l'imagination a tissé en partant d'un réel avéré et en profitant de l'un des chemins de l'inédit, même si l'inédit n'est rien que la répétition du déjà dit"
- Est-ce à dire que l'accusé, en dépit de la modestie déclarée dans ses textes, voulait fonder une école et appeler à explorer une nouvelle voie dans l'écriture littéraire ?
- Non monsieur le Président. Je ne dis pas qu'il apporte à la narration ce que les anciens n'ont pu apporter, ou bien qu'il lui ouvre la voie du salut. Mais je dirais qu'il a œuvré, conscient et sincère, et c'est déjà plus que suffisant. Et ce n'est qu'un début de chemin qu'il ouvre aux suivants. Amenez ceux qui vont poursuivre la marche si vous êtes croyants !
Quand Oummi Sissi eut terminé sa plaidoirie, Je m'aperçus que Sali s'était déjà réveillé de son évanouissement et qu’il avait rejoint Saïd et Fayeq. Les trois étaient enlacés. Mais un brouhaha se remarquait sur les gradins. Aussi ordonnai-je de ne laisser personne quitter la salle, avant de déclarer la suspension de l'audience et le retrait de la cour pour délibérer avant de prononcer son jugement.
Acte septième : expiez, juge !


Je me trouvai avec "Dada" dans ma chambre de sa maison arabe, préparant à hui-clos le jugement de l'affaire. Je lui demandai, avant tout, de vider entièrement la chambre et de n'y laisser que la chaise et la table. Elle exécuta de suite ma demande et la chambre reprit son calme et son éclatante blancheur. Mais quand je lui ordonnai de m'apporter un ordinateur, la couleur marron de son visage tourna au jaune et elle dit en tremblant :
- Désolé monsieur le juge, mais c'est ce que Sali m'interdit avant de vous appeler au monde virtuel. Car il vous suffirait d'avoir un ordinateur pour retourner à travers de son écran dans le monde réel. Cela ne vous demanderait rien de plus que d'imaginer le lieu d'où mon mari vous a aspiré ici à travers l'écran de votre ordinateur.
Je lui souris pour la calmer et lui rappelai qu'elle avait juré dans la salle d'audience de ne recevoir d'ordre que de moi jusqu'à la prononciation du jugement. Je lui expliquai que Sali était maintenant revenu à son personnage authentique, indépendant des insinuations occultes et qu'il m'était, d'autre part, possible de me procurer un ordinateur, dès mon retour au tribunal, chez n'importe quel autre personnage de "Web Shakhsoon" et de le recevoir immédiatement. C'est ainsi que "Dada" se calma, m'apporta un ordinateur portable qu'elle posa sur la table. Puis se retira pour me permettre de me concentrer sur la rédaction de mon jugement, me laissant toutes ses notes prises lors de l'audience.
Environ une heure plus tard, je rappelai "Dada" et nous nous prîmes par la main pour regagner ensemble la salle d'audience et nous installer à nouveau sur le podium de la justice, avec cette fois-ci un ordinateur devant nous. La souris planton annonça alors de sa voix aigue la reprise de l'audience. Le calme régna et je lus devant l'assistance le jugement suivant :
Nous, le Haïkuteur, connu dans les registres de l'état civil sous le nom de Salem Labbène et œuvrant au service de la justice en qualité de juge individuel dans l'affaire inscrite par les plaignants Sali Ben Mohamed, le marocain, et Saïd Youssefi, l’handicapé, cireur de son état, contre leur auteur, le nommé Rachid Idriss, représenté ici par le personnage de Fayeq qui a reconnu la conformité de l'identité et accepté de comparaitre devant nous, après avoir examiné le dossier de l'affaire de tous les points de vue possibles dans cet espace restreint, enregistré le renoncement des deux plaignants à leur plainte et accepté la poursuite du procès sur demande de la défense ; décrétons le jugement qui suit :
Premièrement : il est reconnu à l'accusé la légitimité d'exercer l'écriture littéraire comme bon lui semble et de construire ses personnages comme le lui dicte son souci créateur.
Deuxièmement : est établie la responsabilité du Juge dans l'initiation de l'affaire à la base et dans son acceptation de siéger en Juge dans une affaire qui n'est que la poursuite de celle entamée dans le dernier acte du livre de Rachid Idriss "Insomnie sur papier" et qui visait le personnage d'Oummi Sissi.
Troisièmement : sont déchargés de toute responsabilité les plaignants Sali et Saïd, et est déclarée infondée toute poursuite légale pour ingratitude à leur encontre. Car, suffisamment ouverte sur la culture occidentale, leur construction légitimait leur rêve d'une situation comparable à celle des personnages de romans occidentaux. Mais, ne comportant pas assez d'immunité, elle ne pouvait les prémunir contre les effets de la révolte initiée par ces personnages qui viennent de démontrer leur capacité à dicter aux personnages de Web Shakhsoon tout ce qu'ils voulaient par le biais des outils de communication moderne.
Quatrièmement : la nécessité de réhabiliter l'accusé en infligeant au juge, les obligations expiatoires suivantes :
1- Lancer, dès son retour au monde réel, un appel aux chercheurs et autres intéressés, afin qu'ils soumettent les récits de Rachid Idriss à l'étude scientifique, pour en déterminer les faiblesses inhérentes à toute action humaine, et mettre en valeur les spécificités que ce procès a permis de détecter et qui les distinguent de tous les textes narratifs tunisiens connus jusqu'à ce jour. De telles études faciliteront l'exploration des voies qui conduiraient à l'avènement d'une nouvelle écriture narrative, puisant ses événements et ses personnages dans les faits historiques, et ses styles dans les techniques du récit oral populaire.
2- Veiller, dans son exercice personnel de l'écriture littéraire, à suivre l'exemple de l'accusé, en ce qu'il a de qualités intellectuelles et littéraires, à commencer par son sentiment d'être chargé d'une mission qu'il doit accomplir à travers la littérature au profit de sa patrie et des générations à venir, et par sa façon de prendre l'écriture en tant qu’une pratique sérieuse, nécessitant de s'informer sur les idées et les faits et de s'investir dans la recherche et la documentation afin d'enrichir son texte par des données exactes et des opinions basées sur une pensée juste.
3- Réaliser le vœu de l'accusé Rachid Idriss qui "aurait voulu (Insomnie sur papier p149) que son rêve se prolonge jusqu'à connaître son sort ainsi que celui du tribunal et de l'assistance et surtout de cette pauvre femme, accusée de l'avoir tué alors qu'elle était sa bienfaitrice depuis sa tendre enfance. Et procéder, pour ce faire, à l'imagination d'une suite dudit procès où Oummi Sissi serait réhabilitée et où serait valorisé l'effet de l'amour que lui porte l'accusé, sur sa littérature.
4- Rédiger les actes du présent procès sous forme de récit s'inspirant du style de l'accusé et exploitant les personnages de ses livres dans la création d'événements indépendants, guidé en cela par la façon dont cet auteur reproduit les contes populaires comme celui de Jha et de la marmite ou celui d'Oummi Sissi, en y laissant intervenir son imagination créatrice. (voir Insomnie sur papier p 28 et suite)
5- Donner lecture publique du texte comportant ces événements, lors d'une rencontre extraordinaire du Club de la Nouvelle, en attribuant la paternité des personnages à leur auteur Rachid Idriss et en mettant en évidence les citations intégrées dans ce texte. Puis traduire le texte en français pour le publier en deux langues aux éditions de l'Atelier du Haikuteur dans le cadre de son "année sur les ailes du récit".

Acte huitième : Le retour de l'enfant prodige !

Relevant la tête après lecture du jugement, je vis des signes de satisfactions sur tous les visages, y compris ceux des personnages, arabes et étrangers, assis sur les gradins, mis à part certains personnages de romans policiers connus par leur volonté d'imposer les techniques occidentales à tout le monde, et qui commençaient à gigoter sur leurs sièges ne pouvant pas les quitter sans se dénoncer.
J'esquissai un sourire et annonçai que l'audience était levée. Puis je fis signe aux personnages qui étaient en conflit de s'approcher et je chuchotai dans l'oreille de Âm Saïd :
- Je peux, comme vous le savez, retourner au monde réel sans l'assistance de personne. Mais je tiens à ne le faire qu'après vous avoir serré la main, laissant à votre poigne de fer le choix de me retenir ici comme prisonnier ou de me renvoyer sain et sauf là d’où elle m'a tiré.
Le prétoire fut envahi par tous les personnages de Web-Shakhsoon qui étaient dans le tribunal. Âm Saïd me tint la main comme il l'avait fait lorsque je la lui avais tendue à travers l'écran de mon ordinateur. Et il me chuchota, à son tour, à l'oreille :
- Je ne lâcherai ta main, Haikuteur, qu'après ton retour, avec nous tous, au site de Beb-Soukia, à la fin des années quarante du vingtième siècle. En ce jour là, j'avais remarqué "en promenant mon regard dans la place, qu'un mouvement nouveau s'était emparé de ses coins et que des groupes de jeunes passaient en chantant pour la première fois un nouvel hymne que personne n'avait entendu auparavant" (Âm Saïd à Beb-Souika" p92)


A peine Âm Saïd avait-il fini d'introduire la scène, que je me retrouvais parmi les gens descendus dans la place pour une manifestation impressionnante, à laquelle avaient participé même les femmes. Parmi elles s'étaient faufilées Zohra et Oummi Sissi. Sali et Saïd étaient aussi dans la foule. On pouvait également distinguer Faieq, en sa pleine jeunesse, porté sur les épaules, lançant les slogans et incitant les manifestants à les scander. Et je ne sais comment Âm Saïd avait lâché ma main. Je me retrouvais dans mon bureau en train de me soustraire à l'écran de mon ordinateur avec, dans les oreilles, les échos du nouvel hymne qui disait :
" Ô protecteurs des remparts ! *** Allons, allons à la gloire des temps// Dans nos veines le sang s'écrie *** Mourons, mourons et que vive la patrie !"
Et il me parut avoir entendu parmi les slogans que lançait Faieq et scandaient les manifestants celui-ci :
"A récit tunisien, des techniques tunisiennes!"
Mais, pour continuer à jouer le jeu de l'honnêteté jusqu'à la fin, je ne peux affirmer que ce slogan ne m'était pas dicté par mon imagination au moment où je m'étais confronté à nouveau au monde du réel. Mais la vérité que Âm Saïd voulait que je retienne, en tenant à ne lâcher ma main qu'après m’avoir fait participer un instant à cette manifestation en particulier, c'est que si l'amour de la patrie est une part de la foi, l'amour "d'Oummi sissi d'hier, d'aujourd'hui et de demain", est une part de l'amour de la patrie.

(fin)

Le Haïkuteur – Tunis Médina

Aucun commentaire: